"Je compte sincèrement sur l’Esprit-Saint. Je crois vraiment dans la collaboration." | © Maurice Page
Suisse

Fabienne Gigon, nommée représentante de l'évêque à Genève

Nommée représentante de l’évêque à Genève, un poste qu’elle occupera à partir du 1er septembre 2022, Fabienne Gigon a accepté de faire ce ‘saut dans la foi’. «Je me dis qu’ensemble nous pouvons aller de l’avant, même s’il s’agit d’un défi, explique-t-elle à cath.ch. Il y a dans l’Église à Genève toutes les ressources et compétences nécessaires. Il s’agit de les mobiliser et de les activer.»

Fabienne Gigon succède à l’abbé Pascal Desthieux, vicaire épiscopal pour le canton de Genève depuis février 2016. L’abbé Desthieux prendra la charge de curé de la basilique Notre-Dame de Genève.

Propos recueillis par Maurice Page

De quel milieu familial provenez-vous?
Fabienne Gigon
: Je suis née à Genève, dans une famille qui a su favoriser mon épanouissement spirituel en me donnant l’opportunité de vivre ma foi, notamment à travers la catéchèse hebdomadaire ce qui m’a permis d’avoir un lien régulier avec ma foi. Mes parents nous encourageaient et priaient avec ma sœur et moi le soir. J’hérite d’un cadeau de mes parents. C’est quelque chose dont on n’a peut-être pas la mesure tant que l’on y a pas goûté.

Votre parcours est un peu atypique.
Oui, j’ai étudié la chimie et enseigné pendant dix ans dans un collège et école de commerce à Genève tout en menant en parallèle des recherches attachées au Service des soins intensifs des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). A côté de ces activités professionnelles, j’ai eu un engagement pour la catéchèse, ici dans la paroisse de Notre-Dame qui est celle de mes années de catéchèse.

A un moment donné, vous avez accepté un engagement professionnel en Eglise.
Après plusieurs années de bénévolat, j’ai reçu un premier appel de diverses personnes de la paroisse qui m’ont demandé si je ne pourrais pas envisager un engagement professionnel au service de l’Eglise. A force de questions réitérées, je me suis interrogée sérieusement. Aux HUG, j’avais aussi des contacts réguliers avec l’aumônerie œcuménique. Je me suis alors rendu compte que les moments où je vibrais le plus étaient ceux en lien avec ma foi. Après un discernement personnel et communautaire, j’ai décidé de ce changement personnel. Et nous sommes parties dans l’aventure, et l’Eglise et moi, en 2015.

«Mettre mon énergie au service de la Parole de Dieu a été au centre de mon discernement»

J’ai complété alors ma formation à ce qui était alors l’Institut de formation aux ministères (IFM), à Fribourg où j’ai obtenu mon diplôme en 2018. Je suis aujourd’hui collaboratrice au Service cantonal de catéchèse, où j’assure notamment la co-direction du Centre œcuménique de catéchèse(COEC) et diverses autres tâches et responsabilités dans le domaine catéchétique.

Ce choix qui n’a pas dû être forcément facile…
Quand j’ai annoncé mon changement professionnel à certains de mes collègues à l’hôpital, un médecin m’a dit: «En fait tu es partie de la matière et tu vas dans le spirituel». Il y a vu un fil rouge assez clair. Ce qui n’est pas faux. La connaissance de la matière vise à approfondir le cœur des choses. Pour moi, approfondir le cœur de l’être humain est devenu un intérêt plus grand. Mettre mon énergie au service de la Parole de Dieu a été au centre de mon discernement. J’avais le désir d’en faire profiter un plus grand nombre, si j’ose le formuler ainsi.

Votre nouvel engagement est donc un appel dans l’appel.
Oui, ce nouvel appel prolonge le premier que j’ai reçu. Il répondait au désir de mon cœur. Je me suis dit qu’il y avait un nouveau défi à relever. Je l’ai accepté aussi parce qu’il se passe dans un cadre sécurisant, puisque je rejoins une équipe et que d’autres personnes l’ont déjà éprouvé avant moi dans les autres cantons du diocèse. Je ressens leur soutien. Enfin, je rejoins une équipe qui connaît parfaitement le terrain.

Par rapport à d’autres personnes, votre expérience peut sembler encore assez brève?
Oui et non, je suis une enfant de Genève qui fréquente et pratique les divers milieux d’Eglise depuis toujours pour ainsi dire. J’ai eu beaucoup de contacts par mes stages et mes lieux d’engagements. J’ai aussi des liens dans le monde professionnel, car dans le service où je travaille, nous sommes attentifs à être le plus en lien possible avec les paroisses et le terrain.

«Je crois vraiment dans la collaboration. Il y a dans l’Église à Genève toutes les ressources et compétences nécessaires»

A Genève, nous avons aussi une Assemblée des agents pastoraux laïcs qui est un lieu d’échange important. Le Centre œcuménique m’a ouvert plus avant les liens avec le monde protestant. Déjà au moment où j’ai commencé mon travail professionnel en Église, je connaissais beaucoup de monde. Ce qui m’a permis une transition en douceur. J’espère qu’il en sera de même avec cette nouvelle charge.

Vous êtes jeune, femme et laïque pour un poste réservé naguère à des prêtres expérimentés, comment le vivez-vous?
C’est un ‘saut dans la foi’, pour reprendre les termes de notre évêque Mgr Charles Morerod. Je compte sincèrement sur l’Esprit-Saint. Je crois vraiment dans la collaboration. Il y a dans l’Église à Genève toutes les ressources et compétences nécessaires. Il s’agit de les mobiliser et de les activer. Je me dis qu’ensemble nous pouvons aller de l’avant, même s’il s’agit d’un défi.

Quant à ma jeunesse, si je regarde la société civile et les amis avec lesquels j’ai étudié, je constate qu’ils prennent des responsabilités sans que cela ne pose problème ou questionne.

Le chemin se fait en marchant. Face à cette nouveauté, il faudra certainement faire des corrections ou au moins des ajustements. Nous sommes «ad experimentum», on cherche, on teste, on regarde.

Le poste ressemble à celui de manager général et de responsable des ressources humaines.
Je suis encore en train de définir le cadre de cette fonction qui n’a pas de cahier des charges détaillé. Ce qui se dessine dans les autres cantons va nous aider, ici à Genève. De ce que j’ai compris du souhait de Mgr Morerod, c’est d’avoir quelqu’un qui le représente, mais aussi qui lui rapporte la vie du terrain. Cette double direction est importante. L’aspect de management est sans doute présent. C’est un plan sur lequel j’ai le désir de me former.

«En tant que femme laïque, j’arrive avec un regard autre. Les choses seront différentes»

En chaussant les bottes de ‘vicaire épiscopal’, ne craignez-vous pas le risque de cléricalisation?
Cela n’est évidemment pas possible en ce qui concerne l’aspect lié au sacerdoce ministériel, la célébration de la liturgie ou des sacrements. En tant que femme laïque, j’arrive avec un regard autre. Les choses seront de toutes façons différentes. Le risque de ›cléricalisme’ dans le sens d’une autorité mal comprise est néanmoins toujours présent. Je suis heureuse d’être dans une équipe avec une modération et une ‘correction fraternelle’ pour éviter ce danger.

Craignez-vous des réactions négatives à l’annonce de votre nomination?
Cela me paraît inévitable qu’il n’en y ait pas! Pas trop nombreuses, j’espère. L’être humain n’aime pas le changement. Donc forcément le risque de frottements existe. C’est là-dessus qu’il faudra travailler. Avec l’équipe que je rejoins, je souhaite me mettre à l’écoute des demandes et besoins.

Le Processus synodal occupe actuellement l’Eglise et le diocèse. Comment le voyez-vous?
Pas mal d’initiatives ont eu lieu à Genève pour divers publics et milieux. Prier ensemble, dire, échanger, rêver est toujours fructueux. Je pense qu’il faut rester modéré dans ses attentes et plutôt se mettre dans une attitude de reconnaissance pour les espaces d’échange ouverts, pour faire ce petit bout de chemin ensemble. Si nos attentes sont disproportionnées, nous serons déçus.

«Je suis d’une génération qui n’a pas connu la méfiance ou l’animosité entre protestants et catholiques»

L’Eglise catholique est universelle, c’est une de ses richesses, et elle a besoin de temps pour avancer. On ne peut pas faire l’économie de respecter et de soigner les divers courants qui la composent. Il faut de la patience. Il y a de la place pour tous. Nous avons toutes et tous à nous convertir pour ne pas être dans le jugement qui ‘dévisage’ l’autre mais dans un regard qui ‘envisage’ autrui. C’est dur parfois.

A Genève l’aspect œcuménique est important. Comment voyez-vous la collaboration avec les protestants?
Très bien! C’est une richesse. Je serai très attentive pour développer les liens et les collaborations. Je suis d’une génération qui n’a pas connu la méfiance ou l’animosité entre les confessions. Qu’il puisse y avoir encore parfois des ressentiments me peine. A Genève, nous vivons des impulsions de personnes qui ont mis en place les divers et nombreux services œcuméniques, par exemple dans la catéchèse ou les aumôneries. Rester dans ce désir de ›faire ensemble’ demande un effort, car nous sommes vite rattrapés par notre petite cuisine et nos problématiques propres. La communion n’est cependant pas une fusion.

On vous connaît aussi comme aumônière militaire. Allez-vous continuer?
Oui, a priori, je vais conserver cette activité, comme d’ailleurs mon engagement au sein de la Plateforme interreligieuse de Genève (PFIR) et celui de membre de la Commission de bioéthique de la Conférence des évêques suisses (CBCES). (cath.ch/mp)

Fabienne Gigon
Née en 1984 à Genève, Fabienne Gigon est détentrice d’une thèse de doctorat en sciences biomédicales, avec mention bioéthique, consacrée aux projets anticipés de soins (directives anticipées, personne de confiance, etc.) chez des patients subissant d’importantes chirurgies (2014). Après avoir enseigné la chimie au Collège et Ecole de Commerce André-Chavanne à Genève (2007-2017), et avoir été assistante de recherche aux soins intensifs des Hôpitaux Universitaires de Genève (2007-2015). Fabienne Gigon s’est formée comme animatrice pastorale (2015-2018) à l’Institut de formation aux ministères (IFM – actuel CCRFE) où elle a réalisé un diplôme sur l’engagement des bénévoles. Elle est aujourd’hui collaboratrice au Service catholique de catéchèse de Genève, avec des mandats de co-directrice du Centre œcuménique de catéchèse (COEC), membre de la Commission de bioéthique de la Conférence des évêques suisses, déléguée catholique romaine à la Plateforme Interreligieuse de Genève et capitaine aumônier de l’Armée suisse. LGF

«Je compte sincèrement sur l’Esprit-Saint. Je crois vraiment dans la collaboration.» | © Maurice Page
11 mars 2022 | 11:44
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 7 min.
Charles Morerod (260), diocèse LGF (27), ECR (60), Fabienne Gigon (3), Genève (382)
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