Le frère Mauro Giogio Ferreti est "Magister" de l'ordre du Temple en Italie | © Templari Cattolici d'Italia
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Frère Ferretti: «Nous, Templiers, sommes fidèles à la Tradition» 3/4

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«L’Église telle que nous la connaissons aujourd’hui doit disparaître, car elle a perdu toute crédibilité», a confie le Frère Ferretti, «Magister” de l’Ordre des Templiers à I.Media lors du rencontre organisée à Assise le 3 octobre 2020. Et c’est en revisitant la tradition d’un ordre disparu depuis plus de sept siècles que ce laïc entend aujourd’hui mener son combat pour «la renaissance du christianisme» et contre les ennemis de la foi.

Vous faîtes fréquemment référence aux premiers moines templiers, dont vous avez repris le nom et certains rites. Que reste-t-il exactement des premiers Templiers dans votre association actuelle et qu’ont-ils à nous apprendre aujourd’hui?
Les premiers Templiers sont certainement des modèles pour qui veut continuer la chevalerie, la chevalerie chrétienne en particulier. Toutes les chevaleries ne se valent pas : les missions de la chevalerie chrétienne différent de celles des chevaleries profanes. À la suite de Jésus-Christ, le premier chevalier blanc dans l’Apocalypse, nous travaillons pour le bien de l’Église au sens large, puisque nous sommes tous l’Église, nous qui servons Dieu. C’est l’Église que nous défendons d’abord.

Il est certain que les moines templiers, durant deux siècles, ont représenté le prototype du chevalier chrétien par excellence. Ces moines ne possédaient rien: seul l’Ordre était riche. Même le «Magister» ne possédait que trois chevaux: un pour combattre, un pour s’entraîner et un pour voyager. Ils faisaient donc tout dans un désintérêt et une obéissance totale, la preuve: ils sont tous morts, sans discuter. En bref, ils incarnaient vraiment le personnage idéal de la chevalerie chrétienne.

Contrairement à ce qu’on dit parfois d’eux, les premiers Templiers n’étaient pas sanguinaires: ils combattaient pour défendre. Cela vaut pour nous aussi: notre objectif est de servir, de faire un acte sacrificiel personnel avec nos frères d’armes. Encore aujourd’hui, nous n’opérons que par deux: tout advient différemment selon qu’on est seul ou à plusieurs. Notre logique est similaire à la leur: nous mettons en avant les serments qu’ils prêtaient, la même forme de chevalerie, la veillée d’armes par exemple, que nous sommes les seuls à continuer à faire aujourd’hui.

Les premiers Templiers avaient une bataille historique à mener. Quelle serait votre croisade dans le monde actuel?
La bataille n’a pas changé: eux aussi voulaient changer le monde, à cause des problèmes qu’il connaissait jadis. Ils se sont rendus, par exemple, auprès des chevaliers excommuniés. Nous aussi, nous allons chercher les excommuniés: nous avons tous été excommuniés un jour ou l’autre, par réellement certes, mais nous avons été plus ou moins loin de l’Église.

Nous sommes des hommes et des femmes qui veulent la paix, qui la cherchent. Mais il y a des moments où cette paix est impossible à obtenir. Je prends toujours l’exemple suivant: si nous voyons dans la rue un adulte faire du mal à un enfant, nous essayons d’abord de le raisonner avec des mots. Si ce n’est pas possible, nous devons alors utiliser la force. Le monde a besoin d’une catégorie d’hommes et de femmes qui défendent ceux qui ne peuvent pas se défendre ou ce qui doit être défendu, comme les hosties que certaines personnes viennent voler dans les églises. Comme disaient les anciens, «si vis pace para bellum»: il faut être prêt à faire la guerre si on cherche la paix. 

Comment défendre l’Église aujourd’hui?
Ce que nous faisons, c’est revenir à la tradition. Nous ne sommes pas traditionalistes. Les traditionalistes se trompent parce qu’ils se réfèrent au pire moment dans l’histoire de l’Église, à savoir le concile de Trente. Nous autres Templiers sommes fidèles à la Tradition, c’est-à-dire que nous retournons aux origines du christianisme. À cette époque, les hommes savaient parfaitement qu’au centre du monde, il y avait Dieu, et non l’homme. Le siècle des Lumières nous a fait croire au contraire et les francs-maçons continuent à porter cette illusion. Nous menons une bataille contre ce genre d’idéologie et c’est un bel enjeu, tant l’athéisme est majoritaire aujourd’hui: en Italie, on parle de 5% d’Italiens qui vont à la messe.

En ce qui concerne l’ennemi principal, nous ne luttons pas tant contre les islamistes fanatiques que contre les satanistes, qui font beaucoup de mal à l’Église. Aucun laïc ne les combat: nous sommes les seuls à prier en opposition lors des huit nuits de la «tregenda» dans l’année durant lesquels ils font leurs rites sanguinaires.

Vous parlez fréquemment de la situation difficile de l’Église catholique aujourd’hui. Quelle est votre position vis-à-vis de l’Église, du Saint-Siège etc.?
Nous autres Templiers sommes toujours aux côtés de l’Église, nous la soutenons et lui obéissons. Devant les scandales qui secouent l’Église en ce moment, il faut garder à l’esprit que ce sont les hommes qui font des erreurs: l’Église en soi n’est pas touchée.

Certes, il y a des positions prises par l’Église, et notamment par le pape, que nous ne partageons pas. Tandis que nous étions parfaitement d’accord avec les opinions et les décisions de Benoît XVI, avec le pape actuel, c’est plus difficile. Il a fait beaucoup de choses appréciables et importantes, notamment dans sa volonté de trouver une solution aux scandales financiers du Vatican. En revanche, je suis moins d’accord avec le pape François lorsqu’il adopte une approche de sociologue ou de philosophe sur les événements, et non de pontife. Pour cette raison, il a du mal à nous reconnaître et à nous comprendre : il pense que nous sommes des mercenaires. Peut-être pourrait-il faire l’effort de savoir qui nous sommes, effort qu’avait fait le pape Benoît XVI.

Enfin, il y a la position du pape François sur l’Islam. Il essaie de favoriser un dialogue avec les musulmans, mais je pense que le dialogue avec l’Islam est impossible. Même saint François, lorsqu’il a rencontré le calife musulman, malgré ses efforts pour discuter avec lui, n’est pas parvenu à le faire déplacer d’un seul centimètre. L’Islam ne prévoit pas le dialogue avec les autres religions, et pas seulement avec le christianisme. L’Islam est une religion qui veut simplement dominer le monde.

Face à un tableau si sombre, vous vous déclarez pourtant optimiste. Pourquoi?
Ce que l’histoire nous a enseignée, c’est que les moments de plus grande crise sont toujours suivis d’un renouveau. Nous nous approchons rapidement d’une grave crise, si nous n’y sommes pas déjà. Nous sommes convaincus que la renaissance du christianisme se fonde sur deux choses : l’action et le témoignage personnel. À l’aide de ces deux armes, nous œuvrons pour le renouveau de l’Église qui aura lieu car l’Église ne peut pas mourir. L’Église telle que nous la connaissons aujourd’hui, en revanche, doit disparaître, car elle a perdu toute crédibilité. Nous avons besoin de nouveaux pasteurs.

Dans tous les cas, nous n’avons pas seulement l’espérance : nous avons la certitude. Nous sommes certains que nous réussirons, la seule chose que nous ignorons, c’est quand. Le temps est un composant qui n’existe pas pour Dieu. Le Christ a déjà vaincu la bataille : il nous reste à convaincre le plus de personnes possible de cette victoire, à commencer par les jeunes. Les jeunes ne sont pas stupides, loin de là : ils sont écrasés, étouffés par ce monde. Si on leur donne une espérance, les jeunes la prendront : encore faut-il la leur donner.

Hormis l’Italie, l’Ordre a-t-il des membres dans d’autres pays?
Les Templiers sont présents en France: ils sont une trentaine pour le moment et s’appellent les Templiers catholiques de France. Ils ont aussi un président, mais je suis le président de l’association tous pays confondus. J’ai le pouvoir de véto lorsque l’association française prend une position contraire à la nôtre. En ce qui concerne notre situation en France, nous cherchons à obtenir une reconnaissance de la part de l’évêque de Marseille et d’Avignon, ville dans laquelle la foi a parfaitement disparu. (cath.ch/imedia/at/bh)

Retrouvez le dernier épisode de notre série le 28 décembre: «Il n’y a pas de filiation historique entre l’ordre des Templiers et ses résurgences contemporaines»
Le renouveau de l’Ordre n’est cependant pas une nouveauté, nous apprend l’historien Philippe Josserand. Ce que ce spécialiste des ordres militaires du Moyen Âge appelle le «revival Templier» a toujours existé et l’Ordre n’a jamais cessé de fasciner, surtout depuis sa disparition subite et controversée. Il n’y a néanmoins pas lieu, selon l’historien, de parler de «filiation historique entre l’ordre des Templiers et ses résurgences contemporaines».

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Le frère Mauro Giogio Ferreti est «Magister» de l'ordre du Temple en Italie | © Templari Cattolici d'Italia
27 décembre 2020 | 09:00
par I.MEDIA

L'Ordre du Temple pourrait-il renaître?

Légendaire tant par ses exploits militaires pendant les croisades que par sa fin brutale et sa légende noire, l’Ordre des Templiers a refait son apparition depuis quelques années en Italie. Aujourd’hui, il revendique 2’000 membres et 80 prêtres dans les grandes villes de la péninsule, mais peine encore à obtenir une reconnaissance de la part du Saint-Siège. I.MEDIA a mené une longue enquête qui comprend des rappels historiques et un panorama des résurgences contemporaines des Templiers. Pourquoi l’Ordre du Temple est-il toujours aussi fascinant, sept cent ans après sa disparition? Quelles questions posent ces résurgences à l’Église catholique aujourd’hui?

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