Genève le 10 juin 2020. Isabelle Hirt, agente pastorale, dirige l'UP Salève, dans le canton de Genève | © Bernard Hallet
Dossier

Isabelle Hirt, une pionnière à la tête d’une UP en Suisse romande 3/6

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Isabelle Hirt est l’unique femme dirigeant une Unité pastorale (UP) en Suisse romande. Depuis le 1er septembre 2019, l’agente pastorale laïque est répondante des trois paroisses de l’UP Salève. Une première pour le vicariat de Genève. Une responsabilité pastorale qui toutefois n’est pas clairement définie.

Davide Pesenti

«Je suis en train de définir moi-même les contours de ma charge pastorale. En effet, n’ayant pas de cahier de charge, je ne sais pas exactement où commencent et où s’arrentent mes responsabilités», explique Isabelle Hirt, à l’entrée de son bureau, installé à son domicile dans la campagne genevoise. Cette agente pastorale laïque dirige depuis neuf mois l’UP Salève, un rassemblement de paroisses qui réunit les clochers de Troinex, Veyrier et Compesières.

«La communauté m’a accepté dans la liesse et m’a fait tout de suite confiance», se souvient Isabelle Hirt, «Mais ensuite, j’ai dû défendre un peu ma place. Même si j’étais acceptée comme assistante pastorale, le fait qu’à certaines réunions le prêtre soit absent et que je sois la répondante de l’équipe pastorale, n’a pas toujours été bien compris», précise la Genevoise. «Comme, par exemple, au sein du Conseil pastoral, lorsqu’ils m’ont demandé pourquoi le prêtre n’était pas là pour entendre leurs souhaits, j’ai leur expliqué que cela faisait justement partie de mon rôle».

«On a toujours fait comme ça»

Une explication qui n’a pas convaincu, même si, dans les faits, elle assume la fonction du curé. «Les fidèles engagés ont besoin de rencontrer le prêtre aussi dans ces contextes-là. Ce n’est pas un manque de confiance envers moi. C’est plutôt qu’’on a toujours fait comme ça’. Quand on veut changer les choses, c’est compliqué», analyse sereinement la responsable paroissiale.

«Les fidèles engagés ont besoin de rencontrer le prêtre aussi dans ces contextes-là. Ce n’est pas un manque de confiance envers moi. C’est plutôt qu’’on a toujours fait comme ça’»

Isabelle Hirt

«Sur le terrain, ma responsabilité consiste essentiellement à rendre compte à l’équipe pastorale, composée de deux laïcs et deux prêtres, des besoins de la communauté ainsi que d’organiser la vie pastorale en collaboration avec mes collègues. Le tout, pour que la vie de la communauté se passe au mieux possible», précise l’agente pastorale qui, avant l’été, aimerait finaliser le cahier de charge et donner un nom précis à son ministère. «Je ne sais pas si on y arrivera, mais il serait très important, pour mieux cerner ma charge. Car ›répondante de paroisse’, ça ne veut pas dire grande chose…»

Femmes en responsabilité minoritaires

Dans les diocèses de Suisse romande, un peu plus d’un tiers des agents pastoraux de l’Eglise catholique sont des femmes. Cette proportion augmente largement si on considère uniquement les agents pastoraux laïcs. En revanche, la proportion de femmes assumant un poste à responsabilité diffère d’une région à l’autre. Même si plusieurs services pastoraux au niveau diocésain ou des vicariats sont aujourd’hui dirigés par des femmes, dans l’ensemble, elles demeurent fortement minoritaires.

Une réalité évidente dans la «pastorale territoriale». Isabelle Hirt en est l’exception. Formée au Centre catholique romand de formation en Eglise (CCRFE) de Fribourg.

Partage des charges

Une tâche d’organisation et de coordination qu’elle accomplit sous la responsabilisé canonique de l’abbé Gilbert Perritaz, prêtre responsable de l’UP Carouge-Acacias. Si, en tant que répondante, elle a une large marge de manœuvre, elle doit se référer à l’abbé Perritaz pour les actes officiels, comme l’exige le Code de droit canon.

L’abbé Gilbert Perritaz, administrateur canonique et Isabelle Hirt, répondante de l’UP Salève | © Davide Pesenti

«Isabelle a reçu un mandat assez exceptionnel. Elle a la même charge qu’un curé pour administrer la vie des trois paroisses qui lui ont été confiées. Ma responsabilité est celle de collaborer avec elle dans l’accomplissement de sa charge», précise le curé qui dans son ministère pastoral travaille à 80% avec des femmes.

«Je ne peux que rendre grâce de cette collaboration. Ce n’est pas un pouvoir qu’Isabelle a reçu. Et dans ce sens, elle ne m’enlève rien, au contraire! Elle me permet d’en faire davantage dans mon activité de ministre ordonné. En ce qui me concerne, ça se passe bien», se réjouit l’abbé Perritaz.

Ensemble pour servir

Un partage des responsabilités entre agents pastoraux laïcs et ministres ordonnés semble donc être la recette pour le bon fonctionnellement de cette gestion pastorale expérimentale.

Une recette partagée par le dernier arrivé au sein de l’équipe, l’abbé Elie Maomou, vicaire des deux UP et jeune prêtre, originaire de Guinée «C’est un fonctionnement assez nouveau pour moi. Je découvre. Mais j’ai l’habitude d’une telle organisation dirigée par un femme. Je suis issu d’une Eglise qui a une longue expérience de collaboration avec les laïcs. Depuis plus de 30 ans, les laïcs ont pris la pastorale en main, car nous n’avions que quatre ou cinq prêtres pour tout le pays».

«Je ne peux que rendre grâce de cette collaboration. Ce n’est pas un pouvoir qu’Isabelle a reçu. Et dans ce sens, elle ne m’enlève rien, au contraire!»

Abbé Gilbert Perritaz

Pour le vicaire, ce n’est pas une question de genre. «Ce qui compte c’est le travail que nous réalisons, hommes et femmes ensemble, au service de l’Eglise et pour l’avancement du Royaume des cieux! L’essentiel est qu’on s’entre-aide, pour accomplir la mission qu’on a reçue», affirme l’abbé Maomou qui se réjouit de la bonne collaboration au sein de l’UP.

Travail de pionnier

«Il ne faut pas penser qu’on célèbre une victoire, lorsqu’on voit une femme à la tête d’une UP. Ce n’est pas connaître l’histoire de l’Eglise. Il y a eu beaucoup de femmes qui ont soutenu l’évangélisation», remarque le vicaire. «Il y a un vent qui souffle dans l’Eglise. Ce vent permet à chacun de se sentir concernés et responsables de la mission».

Si la collaboration à l’intérieur de l’équipe est essentielle, elle l’est également avec les membres des autres instances paroissiales. Et le rôle de répondante demande, dans ce cadre également, un travail de pionnier. Car dépasser les réflexes inconscients et changer les habitudes n’est pas une tâche facile.

Avenir à construire

Après la décision de réunir les UP Salève et Carouge-Acacias, dès le 1er septembre 2020, les responsabilités futures d’Isabelle Hirt restent à ce jour incertaines. Conservera-t-elle le mandat de répondante de cette partie de la nouvelle UP, dans une approche de coresponsabilité pastorale? Et si oui, sous quelle forme? Ou l’expérience de la seule femme à la tête d’une UP romande aura été une audacieuse et brève parenthèse de 12 mois? (cath.ch/dp)


Femmes à des postes de responsabilité dans les diocèses de Suisse romande

        
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Genève le 10 juin 2020. Isabelle Hirt, agente pastorale, dirige l'UP Salève, dans le canton de Genève | © Bernard Hallet
25 juin 2020 | 17:00
par Davide Pesenti

L'Eglise et le pouvoir des femmes

La “vague violette” du 14 juin 2019 ne s’est pas arrêtée aux portes de l’Eglise. Et au cours des douze derniers mois, les revendications d’égalité se sont intensifiées au sein de l’institution. Depuis, les nominations à des postes de responsabilité se sont succédé en Suisse comme dans le monde entier.

Une série proposée par Davide Pesenti

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