L'église Notre-Dame de la Paix, à La Chaux-de-Fonds, est l'un des lieux de culte de l'UP Montagnes neuchâteloises | © Raphaël Zbinden
Dossier

UP Montagnes neuchâteloises: roc de solidarité et d'intégration

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L’Unité pastorale (UP) Montagnes neuchâteloises (La Chaux-de-Fonds/Le Locle) n’a certes pas beaucoup de moyens financiers, mais elle est riche de sa grande et ancienne culture de solidarité et d’intégration. Qui se traduit en particulier par une intense collaboration entre la pastorale francophone et les communautés linguistiques.

L’UP Montagnes neuchâteloises est à l’image du paysage jurassien, avec son relief peu spectaculaire, mais accueillant et diversifié. Les catholiques qui composent l’unité proviennent en effet, outre les Suisses, de nombreux endroits du globe, de l’Italie, au Portugal, en passant par la Pologne ou le Sri Lanka et les pays africains. Elle regroupe depuis 2015 les paroisses chaux-de-fonnières de Notre-Dame de la Paix et du Sacré-Coeur, du Locle, du Cerneux-Péquignot, du Rectorat des Brenets, ainsi que les Missions catholiques italienne et portugaise.

L’église du Locle, dans l’UP Montagnes neuchâteloises | © cath-ne.ch

L’intégration de ces deux missions linguistiques dans l’unité est une spécificité que les six membres du conseil de l’Unité pastorale qui accueillent cath.ch à la cure de Notre-Dame de la Paix tiennent à mettre en avant. «Il arrive que dans des UP, les communautés linguistiques se côtoient sans vraiment se connaître», explique l’animatrice pastorale Isabelle Huot. «Dans les Montagnes neuchâteloises, nous voulons au contraire nous rencontrer et travailler ensemble. Et nous considérons cela comme une inestimable richesse».

Les pierres vivantes de l’immigration

Une collaboration existe déjà de longue date avec la Mission italienne, officiellement créée en 1952. Les Transalpins forment déjà depuis le 19e siècle une communauté importante dans la région. Ils sont arrivés dans le sillage du développement de l’industrie, notamment horlogère, dans l’arc jurassien. Sur le papier, l’UP en abrite près de 2’300. «Trois fois plus en réalité, car ceux qui ont la double nationalité ne sont plus comptés comme Italiens», souligne l’abbé Flavio Gritti. Le prêtre a la particularité de travailler à 50% pour la Mission italienne et à 50% pour l’équipe pastorale de l’UP.

De nos jours, une autre communauté, celle des Portugais, apporte des pierres solides à l’édification de l’Eglise locale. Fondée en 1984, la Mission lusophone compte 6’000 membres. Avec une jeunesse active et fervente, les Portugais composent le gros des effectifs pour les premières communions et les confirmations. Ils apportent également leur aide aux manifestations ecclésiales locales, telles que la kermesse.

Intégration pas à pas

Si la Mission italienne fait partie intégrante depuis plusieurs années de l’équipe pastorale, ce n’est pas le cas, en tout cas officiellement, pour la Mission lusophone. Cette intégration est une «évidence et une nécessité», remarque Blaise Ngandu, curé modérateur des Montagnes neuchâteloises, originaire du Congo Kinshasa. Car les principales forces vives de l’Eglise sont actuellement apportées par les catholiques immigrés.

L’église du Cerneux-Péquignot, dans l’UP Montagnes neuchâteloises | © cath-ne.ch

Une équation dans laquelle la communauté «locale» ne doit cependant pas être oubliée, note Isabelle Huot. Les catholiques francophones doivent selon elle rester un socle pour l’Eglise locale. «Pour que la mayonnaise pastorale prenne, il faut un savant mélange d’apport extérieur et de stabilité locale», affirme l’animatrice pastorale.

Carlos Azevedo, de la Mission portugaise, fait également remarquer que l’intégration doit se faire pas à pas. Des initiatives trop «brutales» de participation ont par le passé débouché sur des échecs. «La culture portugaise, avec ses traditions et ses dévotions particulières, notamment Notre-Dame de Fatima, est très forte et très ancrée, explique Antonio Costa, de la Mission lusophone. Il est nécessaire de prendre cela en compte dans le processus».

Le ciment de la solidarité

Le caractère multiculturel de l’UP est en fait à l’image de la région, terre traditionnelle d’immigration. Sa population catholique provient aussi, avant celle des pays méditerranéens, de l’immigration des cantons catholiques, en particulier de Fribourg, du Jura et du Valais. «Plus par nécessité économique que par philanthropie», précise Isabelle Huot. Maria Pinto, de la Mission portugaise, qui est aussi enseignante dans une école locale, précise que les enfants y parlent 32 langues différentes.

Des membres de l’unité pastorale Montagnes neuchâteloises (de g. à d.) Carlos Azevedo, abbé Blaise Ngandu, Isabelle Huot, Maria Pinto, Antonio Costa | © Raphaël Zbinden

Ce milieu ouvrier et immigré, politiquement plutôt «à gauche», a donné à l’Eglise catholique une teinte particulière, note Flavio Gritti. «Ici, l’aspect de solidarité est très fort». L’entraide et les bonnes volontés sont ainsi le ciment d’une UP qui au demeurant ne roule pas sur l’or, à l’image de l’Eglise cantonale. «La Fédération catholique neuchâteloise a un budget qui équivaut à celui d’une grande paroisse vaudoise ou fribourgeoise», relève Isabelle Huot. C’est que l’impôt ecclésiastique n’est pas obligatoire dans le canton de Neuchâtel. Les principales sources de financement sont donc les dons des fidèles, les revenus tirés de l’immobilier, les lotos, les quêtes et les récoltes d’argent lors des événements spéciaux. Des démarches lourdement compromises, cette année, par le coronavirus.

«Pauvreté» constructive

Une «pauvreté» qui, pour les catholiques des Montagnes neuchâteloises, a certains avantages, car elle incite à trouver des approches créatives et solidaires pour mener à bien le travail pastoral. La collaboration avec les Missions linguistiques est, dans ce contexte, primordiale, affirme Blaise Ngandu. Il assure s’être senti immédiatement accepté, dans une Eglise locale qui a certes l’habitude des prêtres étrangers.

La chapelle des Brenets, dans l’UP Montagnes neuchâteloises | © cath-ne.ch

Même si cette UP montagnarde subit, comme les autres, la sécularisation de la société, elle n’enregistre cependant pas beaucoup de sorties d’Eglise. Selon Blaise Ngandu, la raison en est que les personnes ne devant pas payer obligatoirement l’impôt ecclésiastique, elles n’ont pas d’incitation particulière à faire des démarches pour sortir de l’institution. Quoiqu’il en soit, la communauté locale est vieillissante et manque de jeunes qui s’engagent.

Une Eglise «de la base»

Une réalité qui est la même pour l’Eglise réformée, traditionnellement dominante dans la région. Même si aujourd’hui les catholiques sont majoritaires dans le canton de Neuchâtel (40% de la population contre 24% de réformés), l’Eglise catholique a dû se construire dans ce terreau profondément marqué par le protestantisme. Le culte catholique a en effet longtemps été interdit dans le canton. Un contexte premier «de lutte», qui a contribué à façonner le visage de l’Eglise locale. «La première messe de l’histoire moderne du canton a été célébrée à la chapelle de l’Hôpital de la Providence, à Neuchâtel, en 1817.»

Les fidèles neuchâtelois ont donc érigé petit à petit par eux-mêmes des structures, dans un environnement pas facile. Un élément qui a donné un caractère peut-être davantage «populaire» ou «de base» à cet Eglise, affirme Isabelle Huot.

Une rivalité avec le protestantisme qui est cependant aujourd’hui complètement dépassée, pour deux Eglises qui doivent lutter ensemble pour exister dans le paysage social. Une fructueuse collaboration s’est ainsi instaurée depuis des décennies entre les deux confessions chrétiennes. Et beaucoup d’activités pastorales sont réalisées en commun.

L’entraide à de multiples niveaux est donc la principale ressource des «montagnards» neuchâtelois. Les catholiques locaux ont compris depuis déjà longtemps que ce n’est qu’en cordée que l’on peut atteindre le sommet. (cath.ch/rz)

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L'église Notre-Dame de la Paix, à La Chaux-de-Fonds, est l'un des lieux de culte de l'UP Montagnes neuchâteloises | © Raphaël Zbinden
25 juillet 2020 | 17:00
par Raphaël Zbinden

Série: Visages de paroisses

Paroisses et unités pastorales (UP) sont les principaux lieux de vie communautaire dans l’Eglise en Suisse romande. Leur vitalité et leur créativité sont pourtant souvent méconnues. cath.ch présente chaque mois, à partir de janvier 2020, une autre de ces façons de vivre l’Eglise ensemble.

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