L'église Saint-Jean XXIII au Petit-Saconnex | © Raphaël Zbinden
Dossier

Nations-St-Jean: une UP genevoise ouverte et plurielle

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Au cœur de Genève, l’Unité pastorale (UP) Nations-Saint-Jean cultive l’ouverture et la multiculturalité. Elle entretient notamment une relation toute particulière avec le judaïsme. Portrait.

Les habitants du Petit et du Grand-Saconnex, à Genève, peuvent entendre régulièrement s’élever des airs de Gospel, des chants en tagalog, la langue principale des Philippines, ou encore en hébreu. Ils ne viennent pas forcément de temples ou de synagogues, mais de lieux de cultes de l’UP catholique locale. Ce regroupement de paroisses porte en effet bien son nom de «Nations», au vu de la diversité humaine qu’elle constitue et soutient.

La plus «juive» des UP?

L’amitié avec le monde israélite tient une grande place dans la vie de la communauté, notamment avec la célébration du Dies Judaicus. Fixée au second dimanche de Carême, cette journée a été instaurée par les évêques suisses en 2011, pour sensibiliser les catholiques aux origines juives du christianisme et développer des relations fraternelles, dans l’élan de Vatican II. Cette orientation, l’UP la doit notamment à l’abbé Alain-René Arbez.

Alain-René Arbez | © Raphaël Zbinden

Le prêtre romand a été curé in solidum de l’unité de paroisses genevoises de 2010 à 2019 . Lui-même issu d’une famille d’origine juive, il a développé au fil de ses études et de ses rencontres un lien très fort avec la communauté israélite. Il est ainsi membre depuis de nombreuses années de la Commission de dialogue judéo/catholique-romaine de Suisse (CDJC).

Le curé a grandement solennisé le Dies Judaicus, notamment en offrant la possibilité aux fidèles de chanter la messe en hébreu. Au second dimanche de Carême, l’église de l’UP qui accueille la célébration est d’habitude pleine, avec également sur ses bancs des protestants et des orthodoxes. «C’est devenu une tradition dans l’UP et les fidèles en sont très contents», assure l’abbé Arbez.

Ouverture et générosité «dans le sang»

Cette ouverture à la pluralité est dans «l’ADN» de Nations-St-Jean, assure l’abbé Jean-François Cherpit, l’actuel curé modérateur de l’UP. Cette dernière constitue d’ailleurs la plus grande unité pastorale de Suisse romande, avec ses 50’000 catholiques issus du monde entier. L’UP s’étend sur les quartiers très peuplés du Petit et du Grand-Saconnex, connus pour leur diversité culturelle. Une UP donc à l’image d’une Genève plurielle et tournée vers le monde, souligne l’abbé Cherpit.

L’église Saint-Hippolyte est l’un des lieux de culte de l’UP Nations-St-Jean | © Raphaël Zbinden

Comme entité catholique au sein de la «Rome protestante», Nations-St-Jean a également développé assez naturellement l’aspect œcuménique, du côté réformé, mais aussi orthodoxe et israélite. Chaque grand événement est marqué par la présence de représentants protestants, avec lesquels la collaboration est très active. En décembre 2019, une célébration rassemblant les communautés protestante et orthodoxe du secteur a récolté plus de 3’000 francs en faveur du dispensaire des Sœurs ursulines de Madagascar, qui accueille des enfants handicapés. «Outre l’ouverture, la générosité est également dans le code génétique de Nations-St-Jean», relève le curé modérateur.

Une étape du «Chemin de joie»

Ce parti pris d’ouverture a joué un rôle majeur dans la dynamique de l’UP. Lorsque l’abbé Arbez est arrivé dans l’unité, en 2010, il y a trouvé une situation financière difficile.

La mosaïque de Marko Rupnik exposée sur la façade de l’église Saint-Jean-XXIII | © Raphaël Zbinden

L’une des poulies de redressement, activées avec l’abbé Elvio Cingolani – curé modérateur durant 10 ans – a ainsi été d’accueillir des communautés religieuses à la recherche de locaux pour célébrer. La communauté protestante africaine «Temple of Praise», les Philippins catholiques, ainsi qu’une petite communauté de catholiques slovènes, ont donc trouvé dans les lieux de culte de l’UP un toit pour leurs cérémonies. Une activité importante, qui a contribué à relever les comptes, assure le curé à la retraite depuis août 2019. Ces communautés sont maintenant régulièrement intégrées dans les événements de l’UP, notamment la chorale Gospel de «Temple of Praise».

Il y a dix ans, la «visibilité» de la communauté catholique était également un problème, en particulier pour l’église St-Jean XXIII, située à deux pas du temple protestant et de la Grande mosquée. L’édifice étant démuni de cloches, l’abbé Arbez y a fait installer des haut-parleurs diffusant des sonneries de cloches enregistrées, ainsi qu’une croix lumineuse. L’église est également sur l’itinéraire du «Chemin de joie» mis en place par l’Eglise catholique romaine de Genève, depuis qu’une mosaïque de l’artiste et prêtre jésuite slovène Marko Rupnik y soit exposée depuis quelques années.

Synergie de paroisses

Les nouvelles activités inter-paroissiales ont revitalisé toute la communauté. L’un des exemples est la mise en place de la Lectio biblica.

Contrairement à la Lectio divina, cette démarche consiste à étudier les mots-clé de l’Evangile à la lumière de la Bible hébraïque. Un outil supplémentaire pour créer un lien à l’intérieur même des deux traditions, explique Alain-René Arbez, qui a été répondants des paroisses de Saint-Hippolyte et de Saint-Nicolas-de-Flüe. L’UP accueille également de façon régulière des personnes soumises à divers types de dépendances.

Jean-François Cherpit | © Raphaël Zbinden

Les activités sont accueillies alternativement par les locaux des quatre paroisses qui constituent l’UP. Un travail de groupe qui n’aurait pas été possible sans la création de l’unité pastorale, en 2005. «Une seule paroisse ne pourrait pas offrir tous ces services», remarque l’abbé Cherpit, qui assure que les synergies fonctionnent très bien dans l’entité. Le curé constate que les unités pastorales jouent à présent un rôle très important, particulièrement dans le secteur genevois.

«Nations» unies

Communauté vibrante, Nations-St-Jean est néanmoins confrontée aux mêmes maux que de nombreuses autres UP en Suisse romande. Elle souffre notamment du manque de personnel, malgré une équipe administrative très dynamique et efficace, note le curé modérateur. Des bénévoles très motivés apportent encore une aide précieuse aux activités paroissiales. Mais il est de plus en plus difficile de mobiliser les personnes, en particulier sur le long terme, note l’abbé genevois. Face à son intense charge de travail, il se réjouit d’être assisté par l’abbé Arbez, toujours très actif même dans sa retraite, et par un collègue franciscain roumain en stage d’essai.

Malgré ces difficultés, l’UP genevoise tient le cap et continue d’avancer. Elle vient d’ailleurs d’inaugurer, pour Noël, son nouveau site internet. Dans cette dynamique, elle entend continuer à «vivre une belle et concrète universalité de l’Eglise», en jouant son rôle de lien culturel entre les «Nations», dans l’esprit d’ouverture et d’œcuménisme inspiré par saint Jean XXIII et Vatican II. (cath.ch/rz)

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L'église Saint-Jean XXIII au Petit-Saconnex | © Raphaël Zbinden
7 janvier 2020 | 17:00
par Raphaël Zbinden

Série: Visages de paroisses

Paroisses et unités pastorales (UP) sont les principaux lieux de vie communautaire dans l’Eglise en Suisse romande. Leur vitalité et leur créativité sont pourtant souvent méconnues. cath.ch présente chaque mois, à partir de janvier 2020, une autre de ces façons de vivre l’Eglise ensemble.

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