La paroisse Saint Laurent Estavayer résulte de la fusion de douze paroisses autour d'Estavayer-le-Lac | © ClearFrost/Flickr/CC BY-SA 2.0
Dossier

Paroisse Saint Laurent Estavayer: la rose à douze pétales

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La paroisse Saint Laurent Estavayer, dans la Broye fribourgeoise, est un cas unique en Suisse romande. Elle est le fruit de la fusion de douze paroisses de la région. Portrait d’une communauté qui croît avec ferveur dans une terre riche de tradition catholique.

Telles les tribus d’Israël ou les apôtres, douze étaient les paroisses qui se sont regroupées, le 1er janvier 2018, autour de «la cité à la rose», comme on appelle Estavayer-le-Lac. Un nombre donc hautement symbolique pour une démarche qui était une première dans le paysage ecclésial romand. Un mouvement rendu nécessaire par le manque de prêtres et de personnel pour assurer les services de l’Eglise en Broye fribourgeoise, explique Francis de Vevey, qui a présidé pendant 30 ans le conseil de paroisse d’Estavayer-le-Lac. Un processus de fusion déjà commencé avant 2018. Deux fusions précédentes avaient ramené le nombre de paroisses de 15 à 12.

Une nouvelle cohésion

Après plus de deux ans, le bilan de la fusion est satisfaisant, assure Lukasz Babiarz, curé modérateur de Saint Laurent Estavayer depuis six ans. Un maître-mot: «rationalisation». Tout a été rendu plus simple et apaisé dans cette nouvelle configuration, relève l’abbé d’origine polonaise. Avant, les douze conseils de paroisses, associés pour certains à de très petites localités, peinaient à recruter. Les relations, les collaborations et le travail pastoral pâtissaient beaucoup de cette situation.

Lukasz Babiarz est depuis six ans curé modérateur d’Estavayer-le-Lac | © Raphaël Zbinden

A présent, le conseil de la nouvelle entité paroissiale est constituée pour la plupart des présidents des conseils des douze anciennes paroisses. Au niveau de ces dernières, sont maintenant en place des conseils de communauté. La nouvelle configuration permet d’organiser de manière beaucoup plus efficace et sereine le travail des agents pastoraux. Elle apporte une cohésion bien meilleure que dans le passé entre les divers services et «dicastères», souligne l’abbé Babiarz.

A part des problèmes de fiscalité, aujourd’hui résolus, et des soucis de compréhension du nouveau système pour les fidèles, tout fonctionne ainsi très bien, se réjouit Francis de Vevey, qui a été l’une des chevilles ouvrières de la fusion.

Un terreau fertile pour les vocations

Un nouvel écrin, donc, pour la vie de foi de catholiques broyards très fiers de leurs profonde racines chrétiennes. Car cette région lacustre du canton de Fribourg a été depuis des siècles un important centre de la chrétienté, note l’abbé Jean Richoz, curé d’Estavayer-le-Lac de 1982 à 1992. Ce féru de l’histoire des lieux explique que la ville était, probablement depuis l’époque romaine, un important carrefour routier et commercial. Estavayer viendrait d’»asta via» (au bord de la voie, en latin). Vu sa situation géographique privilégiée, alors que le transport fluvial n’avait pas encore été «tué» par le rail et la route, de nombreuses fondations et congrégations religieuses, souvent actives dans l’enseignement, s’installèrent au cours des siècles dans la cité des bords du lac, comme les moniales dominicaines, qui viennent de fêter sept siècles de prière ininterrompue, les sœurs d’Ingenbohl, les jésuites, ou les missionnaires de Saint François de Sales.

L’église de Lully, l’une des douze communautés qui composent la paroisse Saint Laurent Estavayer | © paroisse-st-laurent-estavayer.ch

Une foi millénaire

Une paroisse dont la mémoire se perd dans la nuit des temps, relève Jean Richoz. Une église existait déjà sur son territoire probablement dès le 11e siècle. La construction de la collégiale St-Laurent a débuté au 14e siècle. La cité a ainsi été le terreau fertile de nombreuses vocations, notamment sacerdotales. Elle a donné à l’Eglise deux évêques, dont Mgr Jean-Claude Périsset, ordonné par Jean Paul II en 1997. L’autre est Mgr Gabriel Bullet (1921-2011), qui fut évêque auxiliaire du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), de 1971 à 1994.

La ville a vu le passage et la prédication de saintes et de saints, tels que Vincent Ferrier (1350-1419), Benoît Labre (1748-1783), Pierre Canisius (1521-1597), ou encore Colette de Corbie (1381-1447).

La cité à la rose abrite en outre de nombreux trésors historiques liés au catholicisme. Tels de rares antiphonaires richement illuminés, de la fin du 15e siècle, échappés de la cathédrale de Berne, puis vendus, lors de la Réforme, qui ont été récemment entièrement restaurés. Des antiphonaires encore plus anciens, datant du 13e siècle, provenant de la suppression, à la Réforme, du couvent des dominicains de Lausanne, sont en voie de restauration.

Cap sur la diaconie

De ce riche passé, sont restées des traditions encore très vivaces. De nombreux événements, religieux ou au substrat religieux, de la Fête-Dieu au Surrexit en passant par la Bénichon, rythment la vie du chef lieu de district et mobilisent chaque année de nombreux habitants. La Broye fribourgeoise est donc une terre d’intense ferveur, assure Jean Richoz.

Malgré cela, comme partout ailleurs, la sécularisation et la déchristianisation marquent la vie de l’Eglise. Les sorties de l’institution se multiplient et les vocations manquent. «La question principale est la même pour nous que pour toutes les autres paroisses de Suisse, note l’abbé Babiarz: comment évangéliser dans le monde actuel?»

Pour l’équipe pastorale de St Laurent Estavayer, la réponse est principalement dans la diaconie, le service aux membres les plus démunis de la société. Ce «pilier» de la paroisse est ainsi destiné à être renforcé. «C’est par l’exemple que nous donnons de la charité que nous pouvons le mieux montrer la force de l’Evangile, affirme le curé polonais. C’est un mouvement général pour atteindre les périphéries, comme le demande le pape François».

La construction de la collégiale d’Estavayer-le-Lac a commencé au 14e siècle | © Raphaël Zbinden

Des dîners réguliers pour réunir les personnes en prise à la solitude sont entre autres projetés. Ils viendront s’ajouter à la gamme déjà importante d’activités pastorales proposées. Les pèlerinages paroissiaux, destinés notamment aux servants de messe, dans divers sanctuaires d’Europe, en sont un exemple. Des efforts soutenus à bras-le-corps par une équipe pastorale très constructive et volontaire, assure l’abbé Babiarz.

Collaborations multiples

La dimension missionnaire a aussi une part importante dans la paroisse broyarde. Des réseaux d’aide existent avec des pays du Sud, en particulier le Rwanda et Haïti.

Des activités renforcées par de fructueuses collaborations. Elles se développent de plus en plus avec la communauté protestante de la région. Une très bonne entente existe aussi avec la communauté portugaise. Sa procession traditionnelle dédiée à Notre-Dame de Fatima, au mois de mai, est devenue un rendez-vous très populaire.

La coopération est également intense avec les Focolari, qui possèdent un important centre de rencontre et de formation à Montet, au sud d’Estavayer-le-Lac. La paroisse achète régulièrement des produits confectionnés par le mouvement catholique ouvert à tous les chrétiens. Des échanges de salles ont lieu fréquemment entre le centre et la paroisse.

L’église de Cugy-Vesin, l’une des douze communautés qui composent la paroisse Saint Laurent Estavayer | © paroisse-st-laurent-estavayer.ch

La procession du Rosaire, le premier dimanche d’octobre, bénéficie en outre de la participation des moniales dominicaines.

Une Eglise d’aujourd’hui

Une communauté de St-Laurent dont l’ouverture sur l’extérieur est également traditionnelle. Un aspect qui se reflète dans la multiculturalité de ses prêtres. Le curé modérateur venu de Pologne est ainsi assisté par deux abbés togolais. La paroisse est en outre toujours en lien avec l’abbé Antoine Kankoé, lui aussi du Togo, qui a officié à Estavayer de 2016 à 2019, et qui a laissé un très bon souvenir à la population.

Une ouverture au monde qui n’est aucunement en contradiction avec le fort ancrage traditionnel des paroissiens. Lukasz Babiarz assure ainsi qu’il s’est senti dès le début pleinement accepté par la communauté. «Nous somme une Eglise d’aujourd’hui, confirme Lukasz Babiarz. Qui tient compte de la diversité de la société et s’efforce de la conjuguer, en l’occurrence avec grand succès». Le Polonais n’a ainsi aucun doute que sa paroisse va continuer à s’épanouir, telle une fleur aux racines profondes, qui fait resplendir sa corolle dans l’air du temps. (cath.ch/rz)

Historique express

La présence de la foi catholique dans la cité d’Estavayer-le-Lac est sans doute millénaire. On a la certitude que le christianisme plonge ses premières racines en terre broyarde entre la fin du 3e siècle et l’aube du 4e siècle, à l’époque où Avenches était la capitale de l’Helvétie romaine. Les routes sillonnant le pays favorisent alors les passage d’artisans, de marchands, de soldats, et, avec eux, le rayonnement de la foi chrétienne.

A Estavayer-le-Lac, la présence d’un lieu de culte apparaît plus ou moins certaine vers l’an 1000, comme en témoigne les fondations d’une église romane sur lesquelles fut édifiée, dès 1379 la collégiale. Celle-ci sera terminée en 1525.

Le premier document écrit attestant de la pratique de la foi remonte à 1291, la date de fondation de la Confédération.

La ville d’Estavayer s’enrichira dans les siècles qui suivront, notamment par le biais du mercenariat, en particulier pour le compte du roi d’Angleterre. La rose devenue l’emblème de la cité en tirerait son origine. La notoriété et la prospérité de la ville attireront de nombreuses congrégations, fondations et instituts religieux, qui en feront un important centre du catholicisme en Suisse.

La paroisse Saint-Laurent voit le jour comme entité indépendante de la commune d’Estavayer-le-Lac en 1885.

En 2003, la dénomination de secteur disparaît au profit de celle d’unité pastorale, qui regroupe 10 paroisses de la région broyarde.

En 2017, 12 paroisses du district fribourgeois décident de fusionner en une seule dénommée Saint Laurent Estavayer. La fusion prend effet le 1er janvier 2018. RZ

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La paroisse Saint Laurent Estavayer résulte de la fusion de douze paroisses autour d'Estavayer-le-Lac | © ClearFrost/Flickr/CC BY-SA 2.0
15 juin 2020 | 17:00
par Raphaël Zbinden

Série: Visages de paroisses

Paroisses et unités pastorales (UP) sont les principaux lieux de vie communautaire dans l’Eglise en Suisse romande. Leur vitalité et leur créativité sont pourtant souvent méconnues. cath.ch présente chaque mois, à partir de janvier 2020, une autre de ces façons de vivre l’Eglise ensemble.

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