Homélie du 30 décembre 2018 (Lc 2, 41-52 )

Abbé Christophe Godel – Basilique Notre-Dame, Lausanne

EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE AMORIS LAETITIA DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS
AUX ÉVÊQUES, AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES. AUX PERSONNES CONSACRÉES
AUX ÉPOUX CHRÉTIENS  ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS
SUR L’AMOUR DANS LA FAMILLE

[…]

QUATRIÈME CHAPITRE

L’AMOUR DANS LE MARIAGE

 

  1. Dans ce qu’on appelle l’hymne à la charité écrit par saint Paul, nous trouvons certaines caractéristiques de l’amour véritable :

« L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. » (1Co 13, 4-7).

Cela se vit et se cultive dans la vie que partagent tous les jours les époux, entre eux et avec leurs enfants. C’est pourquoi il est utile de s’arrêter pour préciser le sens des expressions de ce texte, pour tenter de l’appliquer à l’existence concrète de chaque famille.

 

L’amour est patient (91-92)

C’est une expression qui traduit la patience de Dieu lorsqu’il laisse la chance à la conversion, lorsqu’il fait preuve de miséricorde. […] Le problème survient lorsque nous exigeons que les relations soient idylliques ou que les personnes soient parfaites, ou bien quand nous nous mettons au centre et espérons que notre seule volonté s’accomplisse. Alors, tout nous impatiente, tout nous porte à réagir avec agressivité. […] Cette patience se renforce quand je reconnais que l’autre aussi a le droit de vivre sur cette terre près de moi, tel qu’il est. Peu importe qu’il soit pour moi un fardeau, qu’il contrarie mes plans, qu’il me dérange par sa manière d’être ou par ses idées, qu’il ne soit pas tout ce que j’espérais. L’amour a toujours un sens de profonde compassion qui porte à accepter l’autre comme une partie de ce monde, même quand il agit autrement que je l’aurais désiré.

  

L’amour est aimable (99-100)

« L’amour ne fait rien d’inconvenant » : Cette expression veut indiquer que l’amour n’œuvre pas avec rudesse, il n’agit pas de manière discourtoise, il n’est pas dur dans les relations. Ses manières, ses mots, ses gestes sont agréables et non pas rugueux ni rigides […]. La courtoisie « est une école de délicatesse et de gratuité » qui exige « qu’on cultive son esprit et ses sens, qu’on apprenne à sentir, qu’on parle, qu’on se taise à certains moments ». Être aimable n’est pas un style que le chrétien peut choisir ou rejeter : cela fait partie des exigences indispensables de l’amour ; par conséquent « l’homme est tenu à rendre agréables ses relations avec les autres ». Chaque jour « entrer dans la vie de l’autre, même quand il fait partie de notre vie, demande la délicatesse d’une attitude qui n’est pas envahissante, qui renouvelle la confiance et le respect. […] Celui qui aime est capable de dire des mots d’encouragement qui réconfortent, qui fortifient, qui consolent, qui stimulent […] pas des paroles qui humilient, qui attristent, qui irritent, qui dénigrent. En famille il faut apprendre ce langage aimable de Jésus. « L’amour est aimable »

 

L’amour excuse tout (111-113)

  1. Cette expression veut signifier ‘‘garder le silence’’ sur le mal qu’il peut y avoir dans une autre personne. […] la Parole de Dieu nous demande : « Ne médisez pas les uns des autres » (Jc4, 11). Éviter de porter atteinte à l’image de l’autre est une manière de renforcer la sienne propre, de se vider des rancœurs et des envies sans tenir compte de l’importance du dommage que nous causons. […] Les époux, qui s’aiment et s’appartiennent, parlent en bien l’un de l’autre, ils essayent de montrer le bon côté du conjoint au-delà de ses faiblesses et de ses erreurs. En tout cas, ils gardent le silence pour ne pas nuire à son image. Cependant ce n’est pas seulement un geste extérieur, mais cela provient d’une attitude intérieure. Ce n’est pas non plus la naïveté de celui qui prétend ne pas voir les difficultés et les points faibles de l’autre, mais la perspicacité de celui qui replace ces faiblesses et ces erreurs dans leur contexte. Il se rappelle que ces défauts ne sont qu’une partie, non la totalité, de l’être de l’autre. Un fait désagréable dans la relation n’est pas la totalité de cette relation. Par conséquent, on peut admettre avec simplicité que nous sommes tous un mélange complexe de lumières et d’ombres. L’autre n’est pas seulement ce qui me dérange. Il est beaucoup plus que cela. Pour la même raison, je n’exige pas que son amour soit parfait pour l’apprécier. Il m’aime comme il est et comme il peut, avec ses limites, mais que son amour soit imparfait ne signifie pas qu’il est faux ou qu’il n’est pas réel. Il est réel, mais limité et terrestre. C’est pourquoi, si je lui en demande trop, il me le fera savoir d’une manière ou d’une autre, puisqu’il ne pourra accepter ni de jouer le rôle d’un être divin, ni d’être au service de toutes mes nécessités. L’amour cohabite avec l’imperfection, il l’excuse, et il sait garder le silence devant les limites de l’être aimé.

 

L’amour fait confiance (114-115)

Panta pisteuei : [l’amour] ‘‘croit tout’’. En raison du contexte, on ne doit pas comprendre cette ‘‘foi’’ dans le sens théologique, mais dans le sens courant de ‘‘confiance’’. […] Cette confiance permet une relation de liberté. Il n’est pas nécessaire de contrôler l’autre, de suivre minutieusement ses pas pour éviter qu’il nous échappe. L’amour fait confiance, il préserve la liberté, il renonce à tout contrôler, à posséder, à dominer. Cette liberté qui rend possibles des espaces d’autonomie, d’ouverture au monde et de nouvelles expériences, permet que la relation s’enrichisse […].

Ainsi les personnes qui s’aiment, en se retrouvant, peuvent vivre la joie de partager ce qu’ils ont reçu et appris hors du cercle familial. En même temps, cela favorise la sincérité et la transparence, car lorsque quelqu’un sait que les autres ont confiance en lui et valorisent la bonté fondamentale de son être, il se montre alors tel qu’il est, sans rien cacher. Celui qui sait qu’on se méfie toujours de lui, qu’on le juge sans compassion, qu’on ne l’aime pas de manière inconditionnelle, préférera garder ses secrets, cacher ses chutes et ses faiblesses, feindre ce qu’il n’est pas. En revanche, une famille où règne fondamentalement une confiance affectueuse, et où on se refait toujours confiance malgré tout, permet le jaillissement de la véritable identité de ses membres et fait que, spontanément, on rejette la tromperie, la fausseté ou le mensonge.


Fête de la Sainte Famille – Année B

Lectures bibliques :  1 Samuel 1, 20-22.24-28; Psaume 83; 1 Jean 3, 1-2.21-24; Luc 2, 41-52


 

 

Homélie TV de Noël, 25 décembre 2018 (Jn 1, 1-18 )

Monseigneur Turini, évêque de Perpignan-Elne –  Cathédrale de Perpignan

Sœurs et Frères,

Qui peut répondre aujourd’hui, dans notre monde bouleversé et inquiet, à nos attentes et à nos espoirs ?
Qui peut nous aider à conserver le sens et le goût de la vie quand l’avenir semble fermé et redoutable ?
Où trouver amour paix, fraternité, justice pour ne pas baisser les bras et pour faire grandir dans
• notre pays,
• notre Europe et
• sur tous les continents,
Des raisons de vivre et d’espérer, encore et toujours ?
Noël, est la réponse de Dieu à ces interrogations qui nous tourmentent.
Il ne répond pas par un discours, parce que les discours sont en panne et ont du mal à convaincre.
Il nous répond par le DON D’UNE VIE, celle à laquelle il tient le plus.
Cette VIE, qu’Il nous offre par pur amour, c’est Jésus, Son Enfant. « Un Sauveur vous est né, un Fils vous a été donné ».

Dieu vient nous rejoindre

Oui, en ce Jour de Noël, Dieu touche nos cœurs en nous donnant Jésus :

• la Vie de Sa Vie,
• le Verbe fait chair,
• son trésor le plus précieux.

En Jésus, Il s’est fait Dieu avec nous, dans la fragilité et la vulnérabilité d’un tout petit enfant. Il est venu nous rejoindre, partager nos faiblesses et nos blessures, les porter et les prendre sur Lui.
A travers même les affrontements cruels des groupes et des nations, Il nous ouvre l’avenir.

Paradoxalement, elle est là, notre force et notre Espérance, dans la naissance, le regard, le sourire de ce Nouveau-Né. C’est notre plus beau cadeau de Noël : LA VIE DE DIEU DONNEE A NOS VIES HUMAINES.
Marie et Joseph l’ont tenue dans leur bras, serrer contre leur cœur, comme vous le faites avec vos enfants.
Avec Jésus, Dieu vient partager nos souffrances, nos craintes, nos doutes, notre désespérance, mais aussi nos espoirs, notre bonheur et notre courage.

Un nouveau monde

Avec Jésus, Dieu entre dans nos vies et nos vies entrent dans la sienne.
C’est ainsi que Jésus sera sensible à la condition de tous pour la transformer :

• face à tous les malades et souffrants qu’ils rencontrent, il soulage et guérit,
• avec les pécheurs et les possédés, il pardonne et libère,
• il conteste les étroitesses religieuses et invite chacun à écouter Dieu dans son cœur, fidèle à Sa Parole,
• face aux puissants, il demeure libre,

Il est l’origine permanente du nouveau monde qu’il inaugure autour de Lui par-delà toutes les frontières.
Le beau récit de la naissance de Jésus à Bethléem nous montre que la lumière n’était pas dans les étoiles de la nuit, mais dans cet enfant, VIE, DON ET LUMIERE DE DIEU, qui allait éclairer et éclaire encore aujourd’hui, les nuits épaisses de nos longs hivers.
Il allait changer la vie comme l’enfant qui naît

• transforme l’existence de ses parents,
• confirme leur amour,
• le rend plus fort et l’embellit.

Une lumière pour tous

La lumière de Bethléem est pour tous les peuples.
• Elle ouvre une ère nouvelle de notre humanité.
• Elle est sa perpétuelle naissance.
• Elle fait de nous des enfants de lumière.

En cette saison tourmentée de notre histoire, Jésus, lumière des Peuples, nous mobilise pour construire un monde plus humain. Puissions-nous tous et particulièrement les jeunes, en être les artisans sans jamais nous décourager, parce que nous portons en nous, même sans le savoir, la LUMIERE DE NOEL.

Jean-Baptiste, le Saint Patron de notre diocèse a tressailli à la présence de Jésus dans le sein de Marie. Plus tard, il guidera ses disciples vers Lui. Qu’à sa suite, nous soyons, pour aujourd’hui, des témoins lumineux et joyeux, heureux de conduire nos sœurs et frères à la Joie de la Nativité.
Merci à toute l’équipe du Jour du Seigneur, de rendre présent sur nos écrans de télévision depuis 70 ans, la douceur entraînante de Jésus et sa Lumière qui est le véritable horizon de notre humanité. AMEN.


La Nativité du Seigneur

Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Psaume 97; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18


 

Homélie de Noël, 25 décembre 2018 (Jn 1, 1-18)

Didier Berret, diacre – Eglise St-Jean-Baptiste, Montfaucon

La partition du monde débute par un long silence. Le souffle de Dieu emplit l’espace.

En triple piano un roulement sourd comme un bruit de timbale commence à se faire entendre et monte progressivement, jusqu’à ce qu’un son cristallin, d’une pureté sans égale, cisèle un mot, un seul, le premier de tous les mots : ‘OR ce qui se traduit par « lumière ! » La première note du temps est une ronde surmontée d’un point d’orgue.

L’univers se tapisse de musique

Le Verbe de Dieu lentement exhale sa musique et fait tourbillonner la vie. Alors la partition se colore d’autres notes, le rythme s’accélère ; les flûtes s’éveillent tendres et joyeuses et dessinent des nuages, les hautbois caressent le ciel ; avec la harpe ruissellent les rivières, le violoncelle accueille les premières plantes : les cordes s’emmêlent et la terre verdit. L’orchestre céleste exulte. La grosse caisse entre en scène, un cœur bat, puis deux puis mille, et d’innombrables. Les cuivres retentissent juste avant le rossignol et le coucou et la colombe et tout s’emmêle : ça barrit, ça bêle ça miaule, ça brait, ça ulule, ça pullule de sons. Jusqu’en ses confins l’univers se tapisse de musique.

L’humanité fait son entrée

Et puis soudain la mélodie se fait discrète, le rythme ralentit, la symphonie devient berceuse. De concert, les instruments murmurent pour faire place à des voix. L’humanité fait son entrée. L’orchestre se met au service de la chorale : sopranes et ténors alti et basses, des voix sépulcrales jusqu’au contre ut, le chant des hommes et des femmes rejoint le chœur des anges…

Jusqu’à ce que…

Jusqu’à ce que des voix s’opposent, des solistes s’imposent, des bombes explosent, jusqu’à ce que l’humanité invente la cacophonie et que la voix du Verbe créateur, cristalline, d’une pureté sans égale, jusqu’à ce que la voix du Verbe soit étouffée par les hurlements, les claquements de bottes et la monnaie sonnante et trébuchante et qui fait trébucher.

Une nuit et du silence

Alors dans ce monde bruyant, le Verbe comme au commencement du monde, le Verbe choisit une nuit. Une nuit et du silence. Son cri de naissance vient discrètement saluer le monde mais ne réveille personne. Juste s’éveille l’admiration d’un père et d’une mère, témoins contemplatifs du miracle de la vie ! Le Verbe de Dieu se tait, seul son souffle fait doucement vibrer l’air et réchauffe la paille et ses premiers regard disent « ‘OR », lumière !

Une toute nouvelle page de la partition accueille quelques notes. Un adagio commence à s’écrire, tout tout doucement, tout tout lentement comme si la sainte famille trouvait toujours un espace libre, au cœur du brouhaha, pour qu’advienne le chant du Verbe.

Le chant des anges

On raconte que cette nuit-là à Bethléem, comme aux premières heures du monde, on raconte qu’on entendit de nouveau le chant des anges ! On raconte que, depuis cette nuit-là, ils reviennent pour accompagner la voix du Verbe : Marie Madeleine les a vu au tombeau le matin de Pâques d’autres ont suivi leurs traces. Ils guident les pas et rendent « beaux les pieds des messagers de paix », ils guident les mots et rendent belles les  phrases des « messagers de bonne nouvelle. » Ils se joignent à l’Esprit, inventent des chemins, laissent éclater leur rire, tissent des liens, ouvrent les portes des prisons, se déguisent en étrangers pour s’inviter à nos tables…

Des soldats à la crèche

Certains témoins les ont vus dans le ciel comme à Bethléem, une nuit dans les tranchées de Fontaine-les-Cappy dans la Somme en 1914. A leur appel des soldats français et allemands comme les bergers sont venus désarmés à la crèche.

Et Noël n’est pas fini… le Verbe de Dieu a « planté sa tente » au milieu des hommes ! Jusqu’à la fin des temps sa musique, lumière, donne vie et sens au monde.


Solennité de la naissance de Jésus
Lectures bibliques :
Isaïe 52, 7-10; Psaume : 97; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18


 

 

Homélie de la messe de minuit, 25 décembre 2018 (Lc 2, 1-14)

Abbé Pascal Desthieux –  Basilique Notre-Dame, Genève

En cette nuit de Noël, nous fêtons plusieurs anniversaires.

Il y a 70 ans, la première messe télévisée ; c’était à Noël 1948 à Notre-Dame de Paris.

20 ans avant, le 24 décembre 1928, la toute première messe radiodiffusée en Suisse, et pratiquement de toute l’Europe[1]. C’était à Genève, à l’église Saint-Joseph de Genève, voisine de la basilique Notre-Dame. Il y a donc tout juste 90 ans.

Cet anniversaire est l’occasion de vous redire, chères auditrices et chers auditeurs, que nous sommes heureux de vous rejoindre grâce à la radio. Vous faites partie ce soir de notre communauté qui célèbre Noël. Avec toutes les personnes présentes ici à la basilique, nous vous souhaitons un très joyeux Noël !

En cette nuit de Noël, nous célébrons encore un autre anniversaire, encore plus ancien. Il y a tout juste 200 ans, jour pour jour, heure pour heure, était interprété pour la première fois dans une petite église près de Salzburg en Autriche, un chant qui allait devenir très connu. Je suis sûr que vous le connaissez. Écoutez…

Jean-Christophe Orange joue le chant à l’orgue

Vous l’avez reconnu ?

Douce nuit, sainte nuit;

Tout au loin dort sans bruit,
Seuls les anges dans les airs

chantent leurs plus doux concerts.
À l’Emmanuel, à l’Emmanuel.

Quand il compose ce chant, Josef Franz Mohr n’a évidemment pas conscience que Douce nuit deviendrait le chant le plus connu de Noël. La vie même de ce prêtre et les circonstances de la composition sont une belle histoire de Noël : fils illégitime d’un père déserteur qui a quitté sa mère avant sa naissance, Joseph Mohr a grandi dans une grande pauvreté, jusqu’à ce qu’un prêtre l’aide à avoir une meilleure éducation. Il va pouvoir entrer au séminaire et être ordonné prêtre en 1815.

En des temps troublés, le jeune abbé entend les peines de ses paroissiens ; cela lui inspire un poème destiné à redonner de l’espoir. Il l’intitule « Stille Nacht ! Heilige Nacht ! ».

L’année suivante, il est envoyé à Oberndorf où il fait connaissance de l’instituteur Franz Gruber, qui officie comme organiste.

Dans l’après-midi du 24 décembre 1818, il demande à son ami de mettre son poème en musique, avec une partition pour deux voix, chœur et guitare, l’orgue ayant rendu l’âme. « Douce nuit, sainte nuit » est probablement chanté par ses auteurs, le jour même lors de la messe de minuit, dans la petite église Saint-Nicolas. Il est chanté en allemand, et non pas en latin, ce qui n’était pas si habituel à l’époque, et surtout accompagné de la guitare.

Quelques temps plus tard, un facteur d’orgue tyrolien emmène la partition avec lui, et elle va rapidement partir à la conquête du monde entier, jusqu’au Etats-Unis, traduite en 300 langues et dialectes, connue et chantée aujourd’hui dans le monde entier.

Il y a plusieurs traductions en français. L’une des plus belles dit ceci :

Douce nuit, sainte nuit,
Dans les cieux, l’astre luit.
Le mystère annoncé s’accomplit
Cet enfant sur la paille endormi
C’est l’amour infini
C’est l’amour infini.

La lumière du Christ

En cette douce et sainte nuit, comme l’avait annoncé le prophète Isaïe, la lumière vient briller dans le pays des ténèbres. Saint Jean, dans le prologue de son Evangile, dira que « Le Verbe est la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde » (Jean 1, 9). Qu’en cette nuit de Noël, nous puissions accueillir en profondeur la lumière du Christ qui vient illuminer tout ce qui est encore ténèbres en nous !

Le mystère annoncé s’accomplit. Le Messie tant attendu, annoncé par les prophètes, se fait l’un de nous pour nous sauver. Le signe donné aux bergers pour le reconnaître, c’est un « enfant sur la paille endormi ». Cet enfant, c’est l’amour infini ! Dieu nous donne son fils. Accueillons, aujourd’hui, cet amour infini !

Une autre strophe dit :

Ô nuit d’espoir, sainte nuit,
L’espérance a relui
Le Sauveur de la terre est né,
C’est à nous que Dieu l’a donné.
Célébrons ses louanges,
Gloire au Verbe incarné.

Nuit d’espoir

C’est un magnifique chant d’espérance. Spécialement pour tous ceux d’entre nous pour qui cette année a été difficile, endeuillée par la perte d’un proche, alourdie par la maladie, surchargée par des soucis financiers ou le stress.

Que Noël soit pour nous une nuit d’espoir, où l’espérance reluit.

Car un Sauveur nous est donné, c’est Jésus, l’Emmanuel !

Justement, dans la version plus courante, chaque strophe se termine par l’Emmanuel :

– Les anges dans les airs chantent leurs plus doux concerts à l’Emmanuel

– Les bergers sont accourus adorer l’Enfant Jésus, doux Emmanuel

Emmanuel signifie Dieu avec nous.

J’aime beaucoup ce nom, qui est tout un programme.

Dans Emmanuel , il y a Dieu (el), il y a nous (en hébreu : anou), et entre les deux, ce petit mot tout simple, presque insignifiant, mais tellement important (ime) : « avec ».

Dieu est « avec » !

Il est avec nous, nous ne sommes donc jamais seuls.

Nous aussi, nous sommes « avec ». Nous sommes avec Dieu, avec nos proches, avec toutes celles et tous ceux que nous croisons sur notre route.

Noël, c’est Dieu « avec » nous ! Que nous puissions tous ressentir en cette nuit de Noël combien Dieu est avec nous.


[1] A cette date, il y a eu une seule autre messe de minuit radiodiffusée en Europe, c’est celle de Poznan en Pologne. C’était donc une première, avant que les messes radio se multiplient en Europe dans les années 30, et deviennent régulières sur Radio-Lausanne et Radio-Genève dès 1940.

 


La Nativité du Sauveur

Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Psaume 95; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14


 

Homélie TV de la messe de minuit, 25 décembre 2018 (Lc 2, 1-14)

Abbé Derek Derby – Eglise d’Ashbourne-Donaghmore

Je sais qu’il est un peu tard maintenant, mais apparemment, écouter trop de musique de Noël est mauvais pour votre santé.
Bien que les airs de la saison puissent vous mettre l’esprit en fête, Linda Blair, une psychologue clinicienne, prévient que jouer trop de musique de Noël peut être mauvais pour votre santé mentale. (Sky News, 7 novembre 2017)
Apparemment, cela donne l’impression d’être pris au piège – c’est un rappel des cadeaux à acheter, des personnes à prendre en charge et des lourdes tâches à accomplir avant Noël. 

Pensez aussi à ceux qui travaillent dans les magasins et qui écoutent ces chansons qui repassent constamment ! Pour les chefs d’entreprise, ça vaut la peine de faire vivre cette angoisse mentale à leurs employés, car d’autres études ont démontré que la musique des fêtes met les consommateurs dans une humeur dépensière et les pousse à acheter davantage.

Selon Linda Blair, l’influence de la musique de Noël est si forte qu’elle nous fait abandonner toute rationalité et de nous laisser guider uniquement par nos émotions. Donc, si certains d’entre vous pensent que vos cadeaux de Noël sont en dessous de la norme…blâmez la musique !

Il est intéressant de noter que dans toute cette étude, il y a peu de choses qui répand l’idée que la musique nous rappelle le vrai sens de Noël, qu’elle élève notre esprit et notre cœur vers le mystère de l’Incarnation – Dieu, fait chair sous la forme d’un enfant, vivant parmi nous.

Mais cela ne devrait pas être une surprise totale quand on sait que des recherches récentes, au Royaume-Uni (Daily Mail du 6 décembre 2014), ont révélé qu’un tiers des enfants entre 10 et 13 ans ne savent pas que Noël célèbre la naissance de Jésus et que 10% des adultes ne peuvent pas citer correctement quatre faits concernant la naissance de Jésus.

Une nuit silencieuse, lumineuse

Cependant, il y a un morceau de musique qui a immortalisé l’histoire de la naissance de Jésus et qui ne sera pas retiré de la playlist de Noël. Il a apporté un répit aux combats en 1914. La version chantée par Bing Crosby a été la plus vendue de tous les temps depuis son lancement entre 1948 et 1998. Il a été traduit en 300 langues.  Je parle bien sûr du bel hymne Douce nuit, Silent Night, Stille Nacht, Oíche Chiúin.
Cette nuit-là, la veille de Noël, il y a 200 ans, Douce nuit a été chanté pour la première fois en l’église Saint-Nicolas d’Oberndorf, près de Salzbourg. Ecrit par le révérend Joseph Mohr, un jeune prêtre d’Oberndorf, il a été mis en musique par son ami Franz Gruber. Mohr l’a chanté et Gruber l’a joué à la guitare pour les fidèles réunis ce soir-là pour la messe.
Imaginez la scène que Mohr décrit dans l’hymne : la nuit est silencieuse, tout est calme, tout est lumineux. Le Livre de la Sagesse décrit davantage la scène par ces mots (18, 14-18) : « Un silence paisible enveloppait toute chose et la nuit était au milieu de son cours rapide ». C’est presque comme si, pendant une fraction de seconde, le ciel et la terre retenaient leur souffle ! »

Puis, dans ce silence, on nous dit : « Ta Parole toute-puissante est descendue du ciel ».  Le Christ est né dans le temps, dans le cœur de toute l’humanité.

Malgré les efforts de certains, nous ne pouvons pas faire disparaître la naissance de notre Messie de l’histoire, car cela revient à enlever le sens du salut de la mémoire collective.

Noël permet à Dieu de naître dans notre cœur

Comme le disait le Pape François, « Noël devient réel quand il touche notre cœur, notre âme, notre esprit et tout notre être, quand il permet à Dieu de naître et de renaître dans la mangeoire de notre cœur, quand l’étoile de Bethléem nous guide vers le lieu où repose le Fils de Dieu, non parmi les rois et les riches, mais parmi les pauvres et les humbles ». (Le Pape s’adressant à la Curie romaine, en décembre 2017).

Le cœur de l’humanité touché

Je vous invite donc, en ce Noël, à contempler la crèche en silence et dans l’émerveillement. Réalisez qu’à un moment donné, Dieu a visité le monde avec son amour, son fils, Jésus Christ.

À ce moment-là, il a touché le cœur de l’humanité. La seule façon d’aimer Dieu, d’aimer le Christ, d’aimer son Église, c’est de se laisser toucher par « la lumière pure de l’amour ».

Quand nous regardons la « sainte face » de cet enfant innocent, comment ne pas tomber amoureux ? Il se fait lui-même si petit ! Il devient enfant, pour nous attirer par l’amour, pour toucher nos cœurs par son humble bonté, pour attirer l’attention par sa pauvreté, par le plus grand de tous les trésors, le don du salut.

Prions donc pour que les traits rayonnants de ce saint visage et la grâce rédemptrice de Dieu nous aident à créer, dans notre vie, un espace pour que le Christ grandisse en nos cœurs.

Amen.


Messe de Minuit

Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Psaume 95; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14