L'abbé Thadeus Lakra avec des enfants de l'UP du Plateau (GE), lors d'une "messe explicative" | © UP du Plateau
Dossier

L’UP du Plateau, le service au cœur de la vie genevoise

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L’Unité pastorale (UP) du Plateau, dans l’ouest genevois, s’est pleinement engagée sur le chemin synodal ouvert par le pape François. Portrait d’une communauté qui pallie le manque de prêtres avec une pastorale intégrative et innovante.

C’est une tour de quatorze étages. Elle ne se distingue pas à première vue des autres s’élevant dans ce quartier du Petit-Lancy, dans l’agglomération genevoise. Mais en y regardant de plus près, on peut voir une inscription insolite au-dessus de l’entrée: «Paroisse Saint-Marc». Car cet immeuble à l’allure banale appartient effectivement à la communauté ecclésiale et abrite une église. La salle d’une cinquantaine de places, entourée de baies vitrées, accueille le visiteur sur la gauche du vestibule.

La façade de la tour Saint-Marc, où se trouve l’église du même nom | © Raphaël Zbinden

L’église Saint-Marc est l’un des trois lieux de culte de l’UP du Plateau, avec l’église Saint-Martin et celle du Christ-Roi. L’unité pastorale couvre les communes d’Onex et du Petit-Lancy. Elle a été créée entre 2016 et 2017, dans le sillage du mouvement de regroupement de communautés encouragé par le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF). Les trois paroisses ont vu le jour dans les années 1960, dans le cadre de la «Cité-Nouvelle» d’Onex-Lancy, un projet qui faisait face à l’importante augmentation de population de l’après-guerre.

Une UP sans curé modérateur

La communauté ecclésiale semble avoir gardé de cette «jeunesse» le goût de l’innovation. C’est ce qu’expliquent les trois membres de l’équipe pastorale qui accueillent cath.ch dans le complexe paroissial de Saint-Martin. Les deux agents pastoraux Isabelle Poncet et Rodrigo De Stephanis sont accompagnés de l’abbé d’origine indienne Thadeus Lakra.

(de g. à d) Les agents pastoraux de l’UP du Plateau Rodrigo De Stephanis, Isabelle Poncet, et l’abbé Thadeus Lakra | © Raphaël Zbinden

Il est en fait le seul prêtre de l’UP à 100% (auxiliaire à 30%). Et il n’en est pas le curé modérateur. Au départ du dernier titulaire de cette fonction, en 2023, l’abbé Lakra ne désirait pas devenir modérateur. «Nous avons donc conçu un projet pour l’Église catholique romaine Genève (ECR), qui a été soumis à l’évêque, demandant que la charge de la communauté soit confiée à l’équipe pastorale», relève Isabelle Poncet.

Le changement ne s’est pourtant pas fait sans heurts. «C’était un peu perturbant pour les gens de se retrouver tout à coup sans curé, souligne Rodrigo De Stephanis. Les fidèles étaient habitués à ce que tout passe par lui. Encore maintenant, des personnes ne savent pas à qui s’adresser pour telle ou telle question. Nous avons pourtant fait un petit journal qui liste les activités de l’UP avec les contacts des responsables des divers domaines. Cela nous a semblé assez clair, mais des paroissiens ont encore des difficultés pour trouver à qui s’adresser. Ce qui est tout à fait normal lorsque l’on a associé pendant 60 ans un curé à un clocher.»

«Les gens se font gentiment à cette nouvelle situation, sourit Isabelle Poncet. Mais c’est toujours un défi de changer les habitudes.»

Fonctionnement synodal

Les membres de l’équipe pastorale voient en fait beaucoup d’avantages à la nouvelle donne. «Nous travaillons selon les indications de l’évêque [Mgr Charles Morerod] qui veut regrouper les forces face à la pénurie de prêtres et créer des pôles attractifs, pour faire en sorte que les personnes et les énergies ne se dispersent pas, remarque Rodrigo De Stephanis. Mais des fidèles sont encore très attachés à ce qu’ils ont toujours vécu. Certains préfèrent aller dans ‘leur’ église, même si c’est pour des messes à quinze personnes. Alors que des célébrations plus nombreuses sont évidemment plus vivantes.»

«Nous sommes maintenant dans un vrai fonctionnement d’Église, fidèle aux orientations synodales lancées par le pape François»

«Le fait que l’équipe pastorale soit répondante de la communauté peut bien sûr avoir des inconvénients, tels qu’un rallongement du temps de réponse, note Isabelle Poncet. Mais je pense que nous sommes maintenant dans un vrai fonctionnement d’Église, fidèle aux orientations synodales lancées par le pape François. Nous sommes sortis d’un système pyramidal où le prêtre décide de tout. Cela permet aussi que les paroissiens se sentent plus impliqués et s’engagent davantage.»

La Bible expliquée

La synodalité se manifeste dans bien d’autres activités au sein de l’UP du Plateau. Elle propose notamment à intervalles réguliers des ›Forums’. Ouvertes à tous, ces formations bibliques réunissent les paroissiens qui peuvent se renseigner et échanger sur des thèmes de l’Écriture. La session de 2024 a été consacrée à l’Apocalypse et celle de 2025 au Credo.

L’équipe pastorale a également mis en place «La Bible pour les nuls». Comme son nom l’indique, cette autre formation s’adresse davantage aux personnes moins au fait du Livre sacré. D’abord destinée aux jeunes, elle a eu tellement de succès qu’une version pour les adultes a été créée. Des sessions où l’on voit aussi des protestants et même des athées, fait remarquer Rodrigo de Stephanis.

Session de "La Bible pour les nuls" | © UP du Plateau

L’UP genevoise met une grande importance dans la compréhension des textes. «Nous proposons aussi des ‘messes expliquées’, note Thadeus Lakra. Lors de la célébration, les enfants ou les parents peuvent poser des questions. L’on s’arrête alors et l’on prend le temps d’y répondre.»

Les agents pastoraux sont également bien conscients que la culture biblique et religieuse est de moins en moins répandue dans la population. Pour cette raison, un catéchisme est proposé aussi bien aux enfants qu’aux parents. «Après cela, plusieurs parents ont décidé de devenir eux-mêmes catéchistes, sont venus à ‘La Bible pour les nuls’, ou se sont engagés dans les conseils de paroisses», se réjouit l’abbé Lakra.

Offre liturgique adaptée

L’implication du peuple de Dieu est aussi une priorité pour l’UP. De nombreuses activités permettent aux personnes de s’engager au sein de la communauté, telles que des kermesses, des concerts, voire une initiation à la couture et au tricot. Les jeunes sont invités en premier lieu à participer. Certains sont notamment appelés à tenir le stand raclette lors de la kermesse annuelle.

Les trois lieux de culte de l’UP genevoise du Plateau (de g. à d. l’église du Christ-Roi, l’église Saint-Marc et l’église Saint-Martin) | © UP du Plateau

Une jeunesse de la région genevoise qui paraît s’intéresser davantage à l’Église depuis quelques années, ont constaté les agents pastoraux. En 2025, le chiffre encourageant de 39 confirmands est mentionné. Des nouveaux-venus qui provoquent toutefois quelques changements «sociologiques». «Les jeunes sont paradoxalement attachés à une liturgie plus classique, note Isabelle Poncet. Alors que les plus anciens ont été marqués par le Concile Vatican II et sa modernité. Certains ont pu être choqués par le fait de voir des jeunes prendre l’hostie dans la bouche, le retour de l’encens ou des clochettes pour les servants de messe. Mais il nous faut accueillir toutes les sensibilités, donc nous faisons la part des choses. L’on peut assister ainsi dans l’UP à divers styles de messes, certaines plus classiques, d’autres plus modernes.»

La communauté de la tour

Être au cœur de la vie quotidienne et aller trouver les personnes où elles sont est une mission essentielle pour l’UP du Plateau. L’église de Saint-Marc, insérée dans une tour d’habitation, symbolise parfaitement cette aspiration. L’immeuble a été construit sur l’emplacement de l’ancienne église, datant des années 1960 et a été détruite en 2020 à cause de sa vétusté.

Les besoins en ressources financières ont bien sûr été déterminants pour la construction de la tour, inaugurée en 2023, même si les loyers et les prix de vente ont été les plus bas possible. Lorsque les dossiers ont été déposés, les personnes ayant un lien avec la paroisse ont été privilégiées.

«Le lieu de l’église Saint-Marc favorise certainement l’engagement»

L’église sise au rez-de-chaussée est constituée de trois salles avec des parois amovibles. «Alors qu’une seule salle est d’habitude nécessaire, l’affluence à la messe du samedi soir fait que nous devons ouvrir les trois salles», souligne l’abbé Lakra.

Plusieurs personnes habitant la tour se rendent régulièrement à la messe, ou pour prier, quelques étages plus bas. Une véritable communauté s’est en fait formée autour du lieu de culte. «Le lieu favorise certainement l’engagement», assure le prêtre. Deux femmes résidant dans l’immeuble animent à présent le chemin de croix pendant le Carême, et un jeune garçon a intégré le groupe liturgique.

Mais les activités de l’église Saint-Marc fédèrent plus largement. «Un jour, ils avaient mis à l’entrée de la tour ‘Soirée spaghettis’, se souvient Isabelle Poncet. Mais finalement, ils sont tombés à court de pâtes, parce que tout l’immeuble est descendu.» (cath.ch/arch/rz)

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