L'archevêque de Manaus sera le premier cardinal de l'Amazonie | © Wikimedia/CC BY 2.0
Dossier

Mgr Leonardo Ulrich Steiner, le premier cardinal de l’Amazonie

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Le 27 août, Mgr Leonardo Ulrich Steiner, 71 ans, deviendra le premier cardinal de la région amazonienne. Depuis 2020, il est archevêque de Manaus, la ville la plus peuplée du bassin de l’Amazone et la capitale de l’État d’Amazonas dans le nord-ouest du Brésil.

Son engagement pour l’Amazonie et à ses habitants est cependant ancien, puisqu’il a occupé deux postes épiscopaux dans cette région et a par ailleurs été évêque auxiliaire du diocèse de la capitale brésilienne Brasilia ainsi que secrétaire général de l’épiscopat. 

«Ma nomination ne concerne pas seulement ma personne, nous savons que le pape François a une affection particulière pour l’Amazonie et pour les Églises qui s’y trouvent. […] Et maintenant, avec cette nomination, cela montre une fois de plus à quel point il est proche de nos Églises, il est proche de notre région», a déclaré Mgr Leonardo Steiner aux journalistes lors d’une conférence de presse le 30 mai 2022, après l’annonce qu’il recevrait la barrette rouge lors du consistoire du 27 août prochain. 

Le prélat brésilien est né le 6 novembre 1950 à Forquilhinha, dans l’État méridional de Santa Caterina, au sein d’une famille d’origine allemande. Il était le treizième de seize enfants, dont deux, une sœur et un frère, ont également embrassé la vie religieuse. En 1972, il entre dans l’ordre des Frères mineurs, comme son frère, et en 1978, il est ordonné prêtre par son cousin, le cardinal Paulo Evaristo Arns, alors archevêque de São Paulo.

Avant de devenir évêque et de défendre avec passion l’Amazonie et ses habitants, ›Dom Leonardo’ a également occupé plusieurs fonctions d’enseignement et de formation des novices et des séminaristes à Rome et au Brésil. Il a étudié la philosophie à l’Université pontificale de Saint-Antoine à Rome, puis en est devenu le secrétaire et y a enseigné de 1999 à 2003.

Au service de l’Amazonie depuis les années 2000

En 2005, Mgr Steiner est nommé évêque par Jean-Paul II et est mis à la tête de la prélature São Félix do Araguaia, dans le Mato Grosso, l’un des neuf États du bassin amazonien.

Cette zone troublée a connu historiquement des tensions entre les populations autochtones locales et les propriétaires terriens, ainsi que des troubles pendant la dictature militaire du Brésil dans les années 1960 et 1970. Mgr Steiner a succédé à l’évêque espagnol Pedro Casaldáliga, qui était un partisan de la théologie de la libération et défendait fermement les minorités et les populations autochtones. Dans une interview accordée en 2010 à O Diário, Mgr Steiner a assuré qu’il n’avait «aucune difficulté à poursuivre le travail» de son prédécesseur et que toutes les populations autochtones «font partie de l’Église».

Durant son mandat de prélat de São Félix do Araguaia, Mgr Steiner est également devenu l’évêque de référence du Conseil indigéniste missionnaire (CIMI) de la Conférence des évêques brésiliens (CNBB), qui œuvre en faveur de la protection de ces populations et de leurs cultures. 

Le soutien de Mgr Steiner à ces populations s’est poursuivi après son départ du Mato Grosso, puisqu’en 2011 il a été élu secrétaire général de la CNBB et également évêque auxiliaire de Brasilia, la capitale du pays, cumulant ces deux postes jusqu’en 2019. Dans ce rôle important, le prélat brésilien n’a pas craint de faire entendre sa voix, à titre individuel et en tant que représentant de la CNBB, sur des questions sociales et politiques importantes, y compris celles concernant l’Amazonie et les populations autochtones du Brésil.

Mgr Steiner et la CNBB ont condamné la corruption des politiciens brésiliens et ont appelé au dialogue lors des crises de gouvernance. L’évêque a également critiqué l’accent mis par le gouvernement sur l’agrobusiness au détriment des populations autochtones et de leurs terres, et il a demandé aux politiciens de ne pas oublier ces populations.

Au cœur de la région amazonienne pendant une période difficile

Le prélat brésilien a finalement été nommé archevêque de Manaus en novembre 2019 par le pape François un mois après le grand synode des évêques sur l’Amazonie, et a été officiellement installé en janvier 2020. Manaus, cité placée sur une confluence de l’Amazone, compte plus de deux millions d’habitants, et est un hub pour toute la région. En 2022, Mgr Steiner a également été nommé président de la Commission épiscopale spéciale pour l’Amazonie, succédant au cardinal Claudio Hummes, et vice-président de la Conférence ecclésiale de la région amazonienne (CEAMA).

Mgr Steiner a hérité d’une région en proie à des tensions croissantes et à la violence, notamment depuis l’élection du président populiste Jair Bolsonaro en 2018, qui a promu des politiques favorisant la déforestation et l’agriculture intensive au détriment des populations autochtones et de l’environnement. 

Dans une interview à Tutameia en juin 2022, réagissant au meurtre du journaliste britannique Dom Phillips et de l’expert autochtone Bruno Pereira lors d’un reportage dans des zones reculées de la forêt amazonienne, Mgr Steiner a décrit cette affaire comme «un reflet de la violence que subit l’Amazonie». Il a déploré que «l’impunité [ait] augmenté la violence» et a affirmé qu’«il est nécessaire que la loi agisse, que la justice agisse. Ici, il y a un manque de surveillance et de punition».

«Ce n’est pas un évêque qui reste assis sur la barrière. Quand il parle, les gens l’entendent. Depuis qu’il est devenu archevêque de Manaus, il a délivré un message fort et prophétique», a déclaré à Crux le père Luis Miguel Modino, chargé de communication à la section régionale Nord 1, dont fait partie Manaus, de la CNBB.

En plus des problèmes concernant l’Amazonie, Manaus a également été l’une des villes les plus touchées du Brésil pendant la pandémie de Covid-19, car les services de santé ne parvenaient pas à traiter le nombre élevé d’infections. En janvier 2021, le nombre moyen de décès dans l’État de l’Amazonas est passé à 130 personne par jour. Au total, plus de 14’000 personnes sont mortes depuis le début de la crise. 

Mgr Steiner a fermement condamné la réponse du gouvernement à la pandémie en déclarant dans une interview à Tutameia en février 2021 qu’«ils ont été élus pour s’occuper du peuple, mais ce n’est pas ce qui se passe».

Le Père Zenildo Lima da Silva, recteur du séminaire de l’archidiocèse de Manaus, a déclaré à Crux que Mgr Steiner a été extrêmement actif pour tenter d’aider la population souffrante, participant personnellement à la distribution de matériel médical et organisant une assistance spirituelle et matérielle pour les familles en deuil.  

Le synode sur l’Amazonie 

Lors de la conférence de presse du 30 mai 2022, le futur cardinal Leonardo Steiner a rappelé aux journalistes qu’il avait personnellement remis au pape François une requête des évêques brésiliens d’Amazonie demandant un synode sur l’Amazonie, montrant ainsi sa proximité avec la cause. Le Synode a ensuite été annoncé en 2017 et s’est tenu en octobre 2019 et, en tant que secrétaire général de la CNBB à l’époque, Mgr Steiner a suivi tous les travaux préparatoires. 

Alors que certains voient son cardinalat comme un «fruit» du Synode sur l’Amazonie, le prélat a estimé que «le pape demande peut-être à nos Églises de s’attaquer réellement au Synode, en particulier à Querida Amazonia et au Document final». (cath.ch/imedia/ic/bh)

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