Mgr Baawobr, futur cardinal, est passé par Fribourg où il a effectué son noviciat en 1981 et 1982 | © SCEAM
Dossier

Mgr Richard Kuuia Baawobr, le Père Blanc africain devenu cardinal

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En l’espace de quelques semaines, Mgr Richard Kuuia Baawobr a changé de dimension le 29 mai dernier, lorsque le pape François a dévoilé la liste des nouveaux cardinaux qu’il souhaite créer. Ce Père Blanc, évêque du diocèse de Wa, en fait partie.

Quand on lui annonce la nouvelle à la sortie d’une messe, l’évêque ghanéen croit en une plaisanterie. «C’est une blague, c’est pas sérieux… Les cardinaux, normalement on les nomme parmi les archevêques», rapportera-t-il en confiant sa réaction à Vatican News, encore étonné par la «surprise» du pape argentin. 

Deux mois passent et une nouvelle charge tombe sur les épaules de ce pasteur de 63 ans qui fut en 2010 le premier Africain élu à la tête des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs), société fondée à la fin du XIXe siècle par le cardinal français Charles Lavigerie. Réunis en assemblée au Ghana, ses frères évêques africains le choisissent comme président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et Madagascar (SCEAM). Une première pour un Ghanéen depuis l’instauration de cette institution en 1969.

À la tête de cet organe, il devra notamment faciliter la coordination et le dialogue entre tous les épiscopats africains. Une tâche délicate quand on sait que, sur ce continent, ce sont plutôt les grandes conférences épiscopales régionales qui disposent de liens et de moyens importants.

L’exposition soudaine de cet homme d’Église ne semble pas lui faire perdre le cap de sa vocation: «Que ce soit cardinal, que ce soit comme président du SCEAM, j’y vois un appel à servir. Servir l’Église, servir mes frères et sœurs, et être disponible», confie-t-il en marge de son élection à la fin du mois de juillet. Conscient que l’Afrique a aujourd’hui quelque chose à apporter à l’Église universelle, il souhaite contribuer à manifester la prophétie du pape Benoît XVI qui parlait de ce continent comme de l’un des poumons spirituels du monde.

Un Père Blanc passé par Fribourg

Né au Ghana le 21 juin 1959, Richard Kuuia Baawobr a rejoint les Pères Blancs en 1981 après avoir étudié la philosophie au séminaire Saint-Victor de Tamale. De 1981 à 1982, il est à Fribourg, en Suisse, pour son noviciat. Par la suite, de 1982 à 1987, il complète ses études en théologie à l’Institut missionnaire de Londres. C’est dans la capitale britannique qu’il fait ses vœux religieux avant d’être ordonné prêtre un an plus tard, le 18 juillet 1987.

Après avoir exercé son ministère dans une paroisse de République démocratique du Congo, le prêtre part pour Rome afin d’étudier l’exégèse à l’Institut biblique pontifical de Rome. Puis il traverse les Alpes pour se former à Lyon à la spiritualité ignatienne au centre spirituel jésuite du Châtelard. Il y obtient une licence en Écriture sainte et un doctorat en théologie biblique.

Après une expérience en Tanzanie, il est de 1999 à 2004 le directeur de la maison de formation des Pères Blancs à Toulouse. Une anecdote survenue en 2004 témoigne que le quadragénaire ne manque alors pas d’humour. «Les candidats de la Fraternité Lavigerie (Toulouse) me taquinaient en me demandant où ils devraient mettre ma photo si j’étais élu Supérieur général. Je leur ai dit: ›Vous pouvez la mettre dans les toilettes, je suis sûr que là-bas vous me verrez tous les jours!’», s’amusera-t-il à raconter des années plus tard.

Cardinal 140 ans après l’élévation à la pourpre de Charles Lavigerie

La même année, il devient le premier assistant général des Missionnaires d’Afrique. Durant son mandat, il survit à une thrombose veineuse profonde. En 2010, il est élu supérieur général des Missionnaires d’Afrique, fonction qu’il endosse jusqu’en 2016. Une première pour un Africain. À ce poste, il confie prendre conscience que la mission ne se limite plus désormais à l’Afrique mais aussi à l’Europe, aux Amériques, à l’Asie. Il réalise l’importance de la «déterritorialisation de la mission».

Il est par ailleurs choisi par l’Union des Supérieurs généraux pour participer au Synode sur la Famille d’octobre 2015. En 2016, ce spécialiste de l’islam – il a été vice-grand chancelier du PISAI (Institut pontifical d’études arabo-islamiques) – est nommé évêque de Wa, au Ghana. Le pape François le nomme par ailleurs membre et consulteur du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens en juillet 2020.

Le 27 août, en recevant du pape François la barrette cardinalice, Mgr Richard Kuuia Baawobr aura peut-être une pensée pour le fondateur des Pères Blancs, Charles Lavigerie, qui, 140 ans plus tôt, avait reçu de Léon XIII la pourpre cardinalice, le 28 mars 1882. (cath.ch/imedia/hl/bh)

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