Le comité de gestion du diocèse de LGF a donné une conférence de presse le 29 septembre 2023 | © Raphaël Zbinden
Dossier

Accusé, le vicaire général de LGF Bernard Sonney se met en retrait

30

Accusé dans une affaire liée à des abus sexuels, le vicaire général du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), s’est mis en retrait, «pour ne pas interférer dans l’enquête en cours», a communiqué l’évêché le 29 septembre 2023. Lors d’une conférence de presse, le comité de gestion ad interim du diocèse a également rassuré sur l’état de santé de Mgr Morerod.

En l’absence de Mgr Charles Morerod, évêque de LGF, le comité de gestion provisoire du diocèse a mené la conférence de presse à l’évêché de Fribourg devant une vingtaine de journalistes. La cellule est composée de Jean-Baptiste Henry de Diesbach, président du conseil d’administration du diocèse, Laure-Christine Grandjean, chancelière, Mari Carmen Avila, représentante pour la prévention et Patrick Mayor, responsables des ressources humaines de l’évêché.

Bernard Sonney | DR

L’annonce la plus marquante a été celle de la mise en retrait de Bernard Sonney, vicaire général de LGF depuis 2021. Il était avant cela curé modérateur de l’unité pastorale Grand-Vevey doyen du décanat St-Martin. «Nous prenons acte de sa décision qui vise à ne pas interférer avec une enquête en cours», a noté l’équipe de gestion ad interim.

Les responsables n’ont pas voulu spécifier les motifs de l’accusation, précisant que «les faits étaient peu clairs.» Il semble que les accusations contre Bernard Sonney, qui les a réfutées, soient issues d’une lettre reçue à l’évêché il y a environ un an. Le vicaire général n’y était cependant pas nommé, et la victime présumée a mentionné, avec d’autres prêtres, un «vicaire épiscopal». Ces informations n’ont pas permis aux responsables du diocèse d’identifier les personnes évoquées. Suite à la réception de la lettre, Mgr Morerod a immédiatement répondu à l’auteur du texte, lui demandant des précisions et l’exhortant à signaler les cas à la justice.

Précisions sur les accusations de Nicolas Betticher

Aucune réponse ne lui est cependant revenue. Ce n’est que par recoupement de ces informations avec celles de l’abbé Nicolas Betticher, a expliqué le comité de gestion, qu’il a été possible de déterminer que la personne incriminée était l’abbé Bernard Sonney. La victime présumée a ainsi apparemment fait une confusion entre vicaire «épiscopal» (chargé jusqu’en 2021 d’administrer les vicariats – Eglises dans les cantons) et vicaire «général» (chargé d’assister l’évêque dans l’administration du diocèse).

Suite à cette découverte, datant de «la semaine dernière», a précisé Laure-Christine Grandjean, l’évêché a effectué un signalement auprès du Ministère public vaudois ou fribourgeois (le comité ad interim ne pouvait pas répondre précisément sur ce point). Apprenant ces accusations, l’abbé Sonney a décidé de se mettre en retrait.

Jean-Baptiste Henry de Diesbach, président du conseil d’administration de LGF et Laure-Christine Grandjean, chancelière | © Raphaël Zbinden

Un prêtre étranger incriminé

L’évêché a révélé une autre affaire concernant un prêtre étranger actif dans le canton de Neuchâtel. Ce dernier a été suspendu après un signalement de l’évêque du diocèse étranger dans lequel il est incardiné. Il a également été dénoncé par l’évêché au Ministère public neuchâtelois. Ni son identité, ni la nature des accusations à son encontre n’ont été précisées.

200 victimes identifiées

Le comité provisoire a également donné des informations supplémentaires sur l’état de la lutte contre les abus dans le diocèse. Suite à la question d’une journaliste rappelant les allégations de Nicolas Betticher (ancien official du diocèse) selon lesquelles il aurait transmis en partant à Mgr Morerod les éléments en sa possession sur les affaires concernant les abus dans le diocèse (et que l’évêque n’aurait pas agi en conséquence), l’équipe ad interim a précisé le contenu des accusations portées par le prêtre désormais incardiné dans le diocèse de Bâle.

Patrick Mayor a relevé que Nicolas Betticher avait dénoncé trois cas, dont deux concernent des affaires s’étant déroulées avant l’arrivée de Mgr Morerod à la tête du diocèse. Le premier cas, déjà connu et traité, concerne un abus commis par Paul Frochaux, ancien curé de la cathédrale de Fribourg, contre une personne mineure dans les années 1990. Nicolas Betticher a accusé Mgr Morerod d’avoir promu Paul Frochaux à ce poste tout en ayant été informé des agissements de celui-ci dès 2011. Plusieurs enquêtes, dont une indépendante, ont toutefois déterminé en 2020 que Mgr Morerod n’était pas au courant de la gravité des actes du prêtre.

La deuxième affaire aurait trouvé son épilogue en 2005 déjà, avec la reconnaissance par l’auteur des allégations de la nature calomnieuse de ces dernières.

Le troisième cas serait en rapport à des rumeurs d’atteinte à l’intégrité sexuelle de la part d’un prêtre homosexuel. L’affaire aurait été classée sans suite par la justice pénale en 2017.

Une dizaine de prêtres de LGF suspendus

L’évêché a en outre donné des chiffres sur la situation des recherches sur les abus dans le diocèse. Mari Carmen Avila a relevé l’existence actuelle de 150 dossiers d’auteurs et de 200 victimes, d’après les archives. La chargée de prévention a précisé que bon nombre de ces dossiers concernaient des cas prescrits et des personnes aujourd’hui décédées. 36 cas problématiques ont été identifiés, 23 ont fait l’objet de signalement et 12 prêtres ont été sanctionnés (une dizaine suspendus). L’évêque Morerod a en tout rencontré 60 victimes. Depuis l’étude pilote publiée le 12 septembre 2023, 5 nouveaux cas auraient été signalés.

«Il s’agit d’un travail loin d’être terminé et de longue haleine, a expliqué Laure-Christine Grandjean. Nous ne sommes pas parfaits, il peut arriver que l’on rate des choses», a-t-elle ajouté. Tout en assurant que la prise en compte du ressenti des victimes et leur accompagnement était au centre des préoccupations, les responsables du diocèse ont appelé les journalistes à partager leurs informations et à signaler les cas qui viendraient à leur connaissance.

Mgr Morerod va bien

La chancelière a également rassuré sur l’état de santé de Mgr Charles Morerod, qui a subi une intervention chirurgicale le 13 septembre 2023. Elle a indiqué que l’évêque se remettait bien, malgré l’incident «grave» qui lui est arrivé, et qu’il prolongerait sa convalescence au moins jusqu’à mi-octobre. (cath.ch/rz)

Suite
Le comité de gestion du diocèse de LGF a donné une conférence de presse le 29 septembre 2023 | © Raphaël Zbinden
29 septembre 2023 | 13:36
par Raphaël Zbinden

Le rapport du projet pilote sur l’histoire des abus sexuels dans l’Eglise suisse a permis de dénombrer, entre 1950 et 2022, 1’002 cas d’abus sexuels sur 921 victimes pour 510 auteurs. Selon les historiens, il ne pourrait s’agir là que de la partie émergée de l’iceberg. La faillite de l’institution et les négligences des évêques dans la gestion des abus sont pointées du doigt.

Articles