Le couvre-feu strict décrété en Inde a renvoyé 1,3 milliards de personnes à la maison | © Keystone
Dossier

Covid-19: les pays du Sud face à la pandémie – Inde (2)

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Près de 1,3 milliard de personnes sont actuellement confinées en Inde en raison du Covid-19. Le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi veut proroger le confinement au-delà de la date de fin prévue, le 14 avril 2020. L’Inde pourrait demeurer en quarantaine pendant encore plusieurs semaines.

L’Etat indien d’Odisha [l’ancien Etat d’Orissa, sur la côte Est], a déjà annoncé l’extension officielle de son confinement jusqu’au 30 avril.

Si le sous-continent indien a été touché par la pandémie plus tard que l’Europe et si on n’y dénombre officiellement que 6’000 cas pour moins de 200 décès au 8 avril 2020, ces chiffres doublent tous les quatre jours. La contagion se répand comme un feu de brousse dans les quartiers les plus pauvres.

Distribution de repas à New Delhi au temps du Covide-19 | © Vatican Media

Le couvre-feu menace la survie de la population

Pour les hommes et les femmes du secteur informel, en Inde, la vie est actuellement plus menacée par cette situation de crise que par la maladie elle-même, note Action de Carême (AdC), dont tous les projets sont confrontés à ce nouveau défi. La situation est particulièrement dramatique dans le sous-continent, note Tobias Buser, responsable du programme d’AdC en Inde:

La situation est difficile et ne cesse de s’aggraver, car personne n’a eu le temps de se préparer au couvre-feu. Cela est particulièrement vrai pour celles et ceux qui travaillent dans le secteur informel et pour les plus démunis des zones rurales.

Un exode massif qui contribue à la propagation du virus

Partout, des émeutes éclatent et la faim se fait ressentir en raison du chômage soudain des travailleuses et travailleurs journaliers dû au couvre-feu strict. Du jour au lendemain, la plupart d’entre eux ne peuvent plus se loger et se nourrir et tentent de rejoindre la campagne malgré le manque de moyens de transport. Cela entraîne un exode massif qui, bien entendu, contribue à la propagation du virus.

Il est devenu très difficile d’obtenir de la nourriture ou une aide médicale, car celles et ceux qui ne respectent pas l’interdiction de sortie sont victimes de brutalités policières.

Tobias Buser, responsable du programme d’Action de Carême en Inde | © Jean-Pierre Grueter

Tobias Buser explique comment AdC poursuit son travail en Inde: «Dans notre programme en Inde, nous collaborons avec des groupes d’Adivasis [tribus aborigènes] très défavorisés et sans terre, qui parviennent à obtenir un accès aux terres forestières et sont formés aux techniques agro-écologiques. Cette stratégie porte déjà ses fruits. Grâce à cela, les bénéficiaires des projets disposent de leur propre nourriture et ce, même dans les périodes les plus difficiles, comme celle traversée actuellement.»

Sensibiliser les gens au danger des fausses nouvelles

Action de Carême prévoit de continuer à soutenir ses organisations partenaires dans ses 14 pays d’intervention, afin qu’elles ne soient pas contraintes de licencier du personnel et qu’elles puissent adapter leur travail aux circonstances.

En Inde, certaines organisations transmettent déjà à la population, via Whatsapp, de courtes vidéos avec des informations sur la façon de se protéger contre le virus. Elles prévoient également de diffuser des émissions de radio sur le sujet afin de sensibiliser les gens au danger des fausses nouvelles [les ‘fake news’]. Dans de nombreux endroits, les partenaires d’AdC peuvent conseiller les bénéficiaires des projets par le biais du téléphone portable – sur les questions agricoles, par exemple – et de maintenir ainsi le contact. Dans des cas exceptionnels, une aide d’urgence aux familles souffrant de la faim peut également être fournie.

Paysannes aux champs en Inde | © Action de Carême


Une situation déjà très précaire

AdC relève que la pandémie de Covid-19 ne fait qu’aggraver une situation déjà très précaire pour des millions de personnes qui, en Inde, luttent aujourd’hui encore contre la faim. Ces populations défavorisées reçoivent l’appui de nombreuses organisations, mais le gouvernement a retiré en 2014 le statut légal aux deux tiers des ONG actives en Inde en vertu de la Loi sur la réglementation des contributions étrangères (FCRA – Foreign Currency Regulation Act).

Sans ce statut, ces dernières ne peuvent obtenir d’aides financières de l’étranger. Créant un climat politique et social toujours plus répressif, des idéologies nationalistes hindoues veulent assimiler les minorités par la contrainte. Jusqu’ici, tous les partenaires d’AdC ont pu poursuivre leurs activités, bien qu’ils doivent désormais faire preuve de beaucoup de discrétion. (cath.ch/be)

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