De nombreuse familles qui ne peuvent plus se nourrir ont accroché des tissus rouges aux fenêtres de leur habitation pour interpeler le gouvernement | © Keystone/L. C. Ayala
Dossier

Covid-19: les pays du Sud face à la pandémie: la Colombie (10)

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Le coronavirus a paralysé la Colombie qui déplore plus de 570 morts au 17 mai 2020. Les mesures de confinement établies par le gouvernement pour enrayer la propagation du virus ont des conséquences dramatiques dans un pays où six personnes sur dix survivent grâce au travail informel.

Sans le revenu quotidien ou hebdomadaire que de nombreuses familles tirent de ces activités, il n’est plus possible de se nourrir. Ces derniers ne bénéficient d’aucune protection sociale et ne peuvent subvenir à leurs besoins en raison des mesures de confinement. Le secteur informel rassemble 46% de la population masculine et 48% des femmes.

La population démunie redoute plus la faim que le virus. De nombreuse familles qui n’ont plus de quoi se nourrir ont accroché des chiffons rouges à leurs fenêtres pour exprimer leur détresse et interpeler le gouvernement. D’autres protestent contre l’absence de soins de santé en suspendant des tissus blancs.

Dans les quartiers surpeuplés, il est compliqué de respecter le confinement et de maintenir un mètre de distance avec ses voisins. La propagation du virus – où plus de 15’550 cas ont été confirmés à ce jour – y est donc particulièrement favorisée. De plus, le couvre-feu a entraîné une recrudescence des abus et violences faites aux femmes: les appels à l’aide ont augmenté de près de 80 %. Pour contrer cette autre épidémie, aucune mesure de prévention n’a été mise en place.

Précarité du système de santé

Dans certaines régions, d’autres maladies frappent la population. C’est le cas dans le département de Caquetá, zone de projet d’Action de Carême, où la dengue fait des ravages. Le système de santé, en particulier dans les zones rurales, n’est pas assez solide pour faire face à la pandémie de coronavirus ou aux autres maladies. Le personnel médical, qui manque du matériel le plus élémentaire pour se protéger et ne perçoit plus son salaire, démissionne.

Les mesures économiques prises par le gouvernement profitent principalement aux banques et aux grandes entreprises. L’aide allouée au secteur agricole est destinée en priorité aux exploitations agro-industrielles et seule une infime part est versée aux familles paysannes qui en ont le plus besoin.

Le prix des denrées alimentaires a augmenté, alors que parallèlement les agriculteurs et agricultrices peinent à écouler leur production. Les participants aux projets d’Atucsara, organisation partenaire d’Action de Carême,fournissent à l’Université de Cauca les fruits de leurs chontaduros (pêchers), qu’elles n’ont pas pu vendre. Cette dernière les transforme ensuite en farine, qu’elle distribue aux familles touchées par la pandémie.

Les droits humains ignorés

Pendant l’état d’urgence, de nombreux décrets, qui n’ont pas pu être contrôlés par la société civile, ont été adoptés par le gouvernement. Les permis environnementaux pour les projets d’extraction de matières premières ont été délivrés plus rapidement, par exemple. La population, directement impactée par ces projets, n’a pas eu droit à la parole.

En raison du couvre-feu, le peuple colombien ne peut actuellement pas protester. Le gouvernement en profite donc également pour réintroduire des mesures telles que la pulvérisation aérienne de glyphosate. Lorsque le vent souffle, le désherbant toxique se répand aussi dans les champs avoisinants appartenant à des petits agriculteurs. Cela met en danger non seulement la production alimentaire des familles touchées, mais également leurs revenus.

Les assassinats se poursuivent

Il existe une autre pandémie qui ne reçoit que peu d’attention de la part de l’opinion publique mondiale et contre laquelle le gouvernement ne prend pas non plus de mesures efficaces: l’assassinat de dirigeants politiquement et socialement engagés. Des hommes et des femmes qui élèvent la voix pour défendre leurs droits et ceux de tous les Colombiens.

Indepaz, l’Institut d’études pour le développement et la paix, rapporte qu’au moins 95 personnes ont été assassinées en Colombie entre le 1er janvier et le 5 mai de cette année. Selon les médias, 19 personnes ont été tuées depuis le 23 mars, malgré le couvre-feu. Le département de Cauca, où travaillent les organisations partenaires d’Action de Carême est le plus touché.

La crise du coronavirus en Colombie a mis en relief une situation qui était déjà problématique avant le début de la pandémie. La majorité de la population colombienne, qui souffrait déjà de violations massives des droits humains, continue d’être confrontée à des défis de taille. (cath.ch/com/bh)

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