Le covid 19 paralyse le Burkina Faso | © AdC
Dossier

Covid-19: les pays du Sud face à la pandémie: Burkina Faso (7)

7

Face à la pandémie de coronavirus, le gouvernement du Burkina Faso a réagi en fermant ses frontières et en instaurant un couvre-feu qui pousse les habitants encore plus dans la pauvreté. Le Burkina Faso, littéralement « le pays des hommes intègres », est en effet l’un des pays les plus pauvres du monde. Plus de la moitié de la population survit avec moins d’un dollar par jour.

Les premières personnes atteintes du Covid-19 au Burkina Faso ont été des ministres, des ambassadeurs, un pasteur et son épouse de retour d’un voyage en France ainsi que l’archevêque de Ouagadougou, la capitale du pays. Depuis l’apparition de ces cas début mars, tout le pays retient son souffle.

Le nombre de cas déclarés est de 632 malades du Covid-19, 42 morts, 453 personnes guéries. Le nombre réel des personnes infectées n’est cependant pas connu en raison du manque de kits de dépistage et de la quasi-inexistence des soins médicaux.

Mais au-delà de la maladie, les mesures prises par le gouvernement pour ralentir et stopper la propagation du virus affectent particulièrement durement les plus démunis qui représentent 61 % de la population. Les villes sont mises en quarantaine et la pénurie de masques de protection, de savon et de produits désinfectants frappe tout le pays. Les marchés, les lieux de culte, les écoles et les gares sont fermés.

Mettre en œuvre au mieux les mesures de prévention

«Le couvre-feu fixé de 19 heures à 5 heures du matin est respecté, même si de nombreuses personnes dans la région estiment que cela n’est pas justifié, puisque ce sont les villes, en particulier Ouagadougou, qui sont les plus touchées.», explique Aimé Sawado, coordinateur de L’AKOFED (Association Koglzanga féminine pour le développement), organisation partenaire d’Action de Carême, dans la communauté rurale de Tikaré, à 140 km de la capitale.,

«L’organisation des événements sociaux n’a guère changé, voire pas du tout, puisque des rassemblements funéraires et des événements heureux comme les mariages continuent d’avoir lieu. Bien que certaines familles pratiquent le lavage des mains, il est difficile pour chacun·e de garder ses distances car cela ne s’inscrit tout simplement pas dans le contexte socioculturel. Se serrer la main, discuter en groupe, passer du temps ensemble fait partie de la culture burkinabé.»

De graves revers pour les projets

Les habitants de Tikaré vivent dans la crainte constante de l’évolution de la crise sanitaire. Les informations diffusées par les médias internationaux et les carences du système de santé – il y a cinq ventilateurs dans tout le pays pour plus de dix millions de personnes – alimentent la peur.

Les autorités sont conscientes de cette situation, mais elles n’ont guère les moyens de réagir si la catastrophe se produit ? Aimé Sawado illustre avec humour l’état d’esprit dans son pays : «À Tikaré, le médecin-chef du centre médical et un de ses conseillers se sont rendus à la préfecture le 1er avril 2020 pour transmettre les dernières informations. « Monsieur le Préfet, nous venons d’accueillir un premier cas confirmé de Covid-19 et souhaitions vous en informer ». Le maire a gardé le silence pendant un long moment, un silence qui en disait long. Les porteurs du message ont alors compris qu’ils étaient allés trop loin et se sont empressés d’annoncer qu’il ne s’agissait que d’une mauvaise blague. Il n’est pas difficile d’imaginer le soulagement général.»

La faim menace

Mais, dans les faits, Aimé est inquiet. «En raison de l’interdiction de rassemblement et des mesures de distanciation sociale, nous ne sommes plus autorisé·e·s à rencontrer les bénéficiaires. Plusieurs de nos activités sont au point mort. Cela touche particulièrement les personnes qui sont organisées dans les ‘calebasses de solidarité’. Elles se réunissent généralement chaque semaine pour échanger des informations et collecter de l’argent afin de se préparer aux moments difficiles. Cela est désormais interdit. Heureusement, le travail dans les champs est encore autorisé. Cependant, si la fermeture des marchés et les autres mesures se poursuivent au-delà de la saison sèche, nous courons le risque de mourir de faim», conclut Aimé Sawado. (cath.ch/com/mp)

Suite